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est chargée d’examiner les propositions financières de M. Sonnino, et l’autre la demande de pleins pouvoirs, ou de dictature provisoire, présentée par M. Crispi. Les deux commissions sont jusqu’ici également hostiles aux désirs du ministère ; aussi parle-t-on déjà de dissolution et d’élections prochaines. Le désaccord, au point de vue financier, porte en même temps sur la nature et sur le chiffre des impôts nouveaux et des économies. M. Sonnino augmente les impôts de plus de 100 millions ; il demande 12 millions à l’impôt sur le revenu et 37 millions et demi à l’augmentation de l’impôt sur la rente. Nous ne parlons pas du reste. Mais si ces propositions sont la préface d’un emprunt, il est à craindre que le crédit de l’Italie ne s’en ressente. La commission combat le système du gouvernement : elle réduit le montant des impôts nouveaux à 50 millions, et fait 50 millions d’économies, dont 20 millions sur la guerre et sur la marine. Les ministres spéciaux de la guerre et de la marine, accompagnés de M. Crispi, se sont rendus devant elle, et ils se sont opposés avec la dernière vigueur à toute diminution des crédits affectés à leurs services. M. Crispi a déclaré qu’il n’y consentirait à aucun prix. Les journaux italiens reproduisent leurs argumens dont on aurait tort d’être surpris : ce sont ceux dont se servent tous les ministres quand ils demandent l’augmentation, ou seulement le maintien des crédits militaires. Par la force des choses, on n’a parlé que de la guerre, soit sur terre, soit sur mer, et, comme les alliances de l’Italie ne lui permettent de concevoir la guerre qu’avec la France, il n’a été question que de la menace qui venait de ce côté. M. Crispi aurait affirmé que l’armée française pouvait être à Turin dans quatre jours. Ce langage du gouvernement a été d’abord atténué, puis démenti. Qu’importe ? Il est bien clair que, si l’Italie s’épuise en arméniens militaires, ce ne peut être que contre nous. Elle est la première à prévoir que, dans certaines éventualités, sa politique la mettrait, bon gré mal gré, en conflit avec la France. Certes, il n’y a pas de contradiction formelle entre le langage du roi Humbert et celui de M. Crispi. On peut vouloir la paix et se préparer à la guerre ; mais le danger de guerre est-il si urgent que l’Italie ne puisse pas diminuer ses dépenses militaires ? Que craint-elle donc ? Non pas, assurément, que nous l’attaquions les premiers. Nous aurons toujours mieux à faire.


Pendant que le désaccord s’accentue entre le gouvernement et la Chambre en Italie, il semble s’être apaisé en Belgique. Le nouveau ministère a pris le parti de céder purement et simplement sur la question de la représentation des minorités ; il a retiré le projet auquel M. Beernaert avait attaché son sort ; dès lors, on ne prévoit plus de difficultés considérables, et il est à croire qu’après avoir présidé à l’élaboration d’une loi électorale quelconque, le cabinet actuel fera les élec-