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du moins, ne s’est pas exposé aux mêmes inconvéniens. On sait qu’il a obstinément refusé toute sa vie d’appartenir à aucune société, de recevoir aucune distinction honorifique, simplement pour s’épargner l’ennui des lettres de remercîmens à écrire, des toasts à prononcer, et des visites à rendre.

M. Huxley est un tout autre homme. Ce n’est pas lui qui reculerait devant un discours ni une discussion. Aussi bien il aurait grand tort, car ses discours sont des modèles de clarté, de précision et de simplicité ; et personne ne l’égale pour l’entrain et la verve de sa polémique. Mais si M. Spencer, dans son article, a peu parlé de Tyndall, il faut reconnaître que M. Huxley, dans le sien, en a parlé moins encore. J’y ai en vain cherché un seul mot qui définisse exactement la figure, ouïe caractère, ou l’esprit de Tyndall, ou son rôle scientifique. M. Huxley nous raconte ses propres voyages, nous explique les raisons de son admiration pour Carlyle, nous initie aux règlemens secrets d’un cercle, l’x Club, dont Tyndall et lui avaient fait partie, et termine en disant que Tyndall était un homme d’une individualité très marquée. Il ajoute qu’il a dû écrire son article trop vite : je n’ai pas de peine à le croire.

Plus intéressant à beaucoup près est l’article de M. Grant Allen, dans la Review of Reviews. Il débute, précisément, par l’appréciation des traits particuliers qui caractérisent chacun des trois grands savans anglais, M. Spencer, M. Huxley et le défunt Tyndall.

« Herbert Spencer, le plus génial des trois, a été le théoricien et l’organisateur du mouvement évolutionniste : c’est à lui seul que nous devons le mot d’évolution, avec le système d’idées qui s’y joint. Huxley, lui, a été le biologiste ; il a été aussi le vulgarisateur. D’un esprit moins philosophique et infiniment moins étendu que Spencer, il a reçu des dieux le don de l’exposition : au point qu’il n’y a pas de question si compliquée qu’il ne sache, d’un trait de plume, rendre claire aux passans de la rue. Tyndall enfin a été l’orateur de l’école. Il avait la faculté d’expliquer de vive voix ce que les deux autres se contentaient d’écrire. Et il ne faut pas oublier non plus que Tyndall est le premier physicien qui ait adhéré au mouvement évolutionniste, ce qui a été d’une importance énorme pour le succès de ce mouvement. »

M. Grant Allen insiste, ensuite, sur l’origine irlandaise de Tyndall. « C’était un Celte, dit-il, et l’influence de sa race a toujours été très manifeste en lui. Il prétendait bien descendre d’une famille anglaise ; mais pour peu que l’on connaisse les protestans d’Irlande, on sait avec quelle obstination ces gens-là se cramponnent au moindre filon généalogique pouvant les rattacher à une famille anglo-saxonne. D’être Anglais en Irlande, c’est comme, en Angleterre, de descendre des Normands. Il suffit d’une seule alliance anglaise pour que, après dix