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pour être placé à la tête du ministère de l’instruction publique. Il était en réalité le subordonné de Dohna, car l’organisation de l’administration centrale conçue par Stein, en constituant un vaste ministère de l’intérieur dont il s’était réservé la direction et dont l’étendue écrasait Dohna, avait fait de l’administration de l’instruction publique et des cultes une section du ministère de l’intérieur.

Humboldt porta la vie dans cette administration, et l’esprit de réforme dans tous les degrés de renseignement. Il appela à Berlin Zeller, l’un des disciples de Pestalozzi, pour y fonder un institut où il devait appliquer ses méthodes nouvelles encore vivement critiquées. Süvern entreprit, sous la direction personnelle de Humboldt, la réforme des gymnases.

Quant à l’idée de fonder une université à Berlin, elle n’était point nouvelle ; elle datait d’avant 1806. Les événemens, en séparant de la Prusse ses anciennes universités, surtout celle de Halle, avaient donné tout naturellement à ce projet une nouvelle actualité. Guillaume de Humboldt trouvait l’idée mûre ; il eut le grand mérite de la réaliser.

On n’hésita point à faire choix de la capitale pour siège du nouvel institut ; on ne doutait point que l’université, le mouvement intellectuel dont elle serait le foyer, n’exerçassent par leur voisinage une action bienfaisante sur le gouvernement lui-même. C’est à Humboldt qu’est dû certainement l’esprit libéral dans lequel fut conçue la nouvelle organisation. Fichte eût voulu établir une discipline rigoureuse et étroite. Schleiermacher plaidait pour la liberté illimitée de l’enseignement et des études. Les projets de Fichte furent écartés, et, symptôme déjà significatif du déclin du particularisme, l’on rétablit pour les étudians de l’université de Berlin un droit qui depuis longtemps n’était plus qu’un souvenir en Allemagne, le droit de fréquenter indistinctement à leur gré toutes les universités allemandes.

Dès 1810 l’université de Berlin fut ouverte. Dès 1810, elle eut, sous le rectorat de Schmalz, 458 étudians. Elle put, dès ses débuts, sans parler des noms qui devaient l’illustrer plus tard, ou de ceux qui nous sont moins connus, offrir au souvenir de la postérité les noms de Fichte, de Schleiermacher, de Savigny et de Niebuhr.

Le nom des deux premiers, le souvenir des discours enflammés par lesquels ils avaient inauguré à Berlin, deux ans auparavant, une nouvelle ère de l’histoire d’Allemagne, indiquent assez que la création de la nouvelle université n’avait été que la sanction d’un mouvement intellectuel tout spontané.