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pendant des mois à la cravache, sans avoir jamais été montés, présentent presque autant de difficultés que les autres les premières fois qu’on les monte, la gymnastique qu’ils ont faite ne les ayant nullement préparés à porter le poids du cavalier qui leur cause la même fatigue et fait naître les mêmes désordres. Enfin, un vrai cavalier, pourvu qu’il soit valide, aura toujours plus de plaisir à monter le cheval dès que cela est possible, et à tout obtenir en selle, qu’à piétiner à côté de l’animal tenu en laisse.

Voici donc comment il me semble qu’on doit fondre en une seule toutes les différentes méthodes :

On mettra au jeune cheval un bridon et un caveçon ou, à défaut, un licol solide muni d’un anneau sur la muserolle, auquel anneau sera attachée une simple longe d’écurie, ce qui permet à tout homme adroit d’être parfaitement maître de la tête du cheval ; on le promènera ainsi quelques instans au pas et au petit trot, puis, touchant le liane ou la cuisse avec la cravache en proportionnant les coups à la sensibilité du cheval et en faisant agir en même temps le bridon ou le caveçon, on pourra toujours déplacer la croupe et faire tourner le cheval sur des cercles qu’on rétrécira de plus en plus, l’arrière-main décrivant un cercle plus grand que les épaules. Aucun cheval ne peut résister à ces moyens. C’est donc incontestablement par là qu’il faut commencer, d’autant plus que, connue l’a dit La Guérinière, le cheval qui tourne ainsi en cercle avec l’épaule en dedans « va toujours en avant ». Quand il exécute bien au pas et au petit trot ces voltes renversées de deux pistes, qu’on entremêle fréquemment de promenades en ligne droite, — c’est-à-dire après deux ou trois séances d’une demi-heure, — le dressage est déjà très avancé, car le cheval a pris l’habitude de céder à l’homme et se trouve presque dans l’impossibilité de résister aux premières exigences du cavalier adroit.

On peut commencer ce travail longtemps à l’avance, presque depuis le sevrage du poulain, ce qui le prépare lentement et sans aucun danger possible à tout ce qu’il devra faire plus tard ; lui mettre sur le dos d’abord un simple tapis, puis une selle, puis, dans des sacoches bien assujetties, des lames de plomb dont on augmente le nombre progressivement afin de l’habituer ainsi, sans fatigue pour ses reins ni pour ses membres, au poids du cavalier, qui est presque toujours la seule cause des premières résistances. S’il n’a pas été ainsi préparé de longue date, on fera durer les exercices dont je viens de parler pendant le temps qu’on jugera nécessaire pour que le poids du cavalier soit facilement supporté.

Alors le dresseur fera monter le cheval par un cavalier léger,