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simultanée des deux talons. Le pilier oppose, en cas de besoin, une résistance toujours supérieure à celle du cheval, mais il a l’inconvénient, — comme tous les instrumens qui ne sont pas mis directement en action par l’homme, — de ne pas céder ou résister proportionnellement aux mouvements du cheval ; de plus, ainsi qu’on l’a fait remarquer à Pluvinel, on n’a pas toujours un pilier sous la main, et il faut dans la pratique diminuer le plus possible les difficultés et les embarras.

Les deux piliers, ne permettant pas de faire mouvoir la croupe aussi complètement que le pilier seul, préparent moins bien le cheval au mouvement en avant ; ils peuvent même le disposer à se retenir, à s’acculer et à se défendre. Pluvinel et ses successeurs avaient raison de s’en servir pour obtenir la pesade, la croupade, la courbette, la cabriole, en profitant de la première pétulance du jeune cheval ; mais aujourd’hui, les chevaux ainsi dressés ne pouvant être mis entre les mains de tous les cavaliers, il vaut mieux laisser de côté ces anciens airs de manège pour ne s’occuper que du dressage pratique et n’employer les deux piliers que dans quelques cas spéciaux vers la fin du dressage.

La longe, malgré son apparence débonnaire, a des inconvéniens encore plus graves. D’abord elle laisse trop de liberté à la tête et, quelque habile que soit le dresseur, un animal violent peut souvent se livrer à des bonds et à des défenses qui font naître de mauvaises habitudes et qu’on ne peut réprimer que par un emploi violent du caveçon dont les réactions sont désastreuses pour les reins et pour les jarrets ; elle dispose en outre le cheval à travailler avec la croupe en dehors du cercle et à se désunir au galop. Ces mauvais effets sont beaucoup moindres dans les cirques, — d’où nous vient probablement l’usage de la longe, — parce que l’animal se trouve là contenu sur la ligne circulaire par la balustrade qui entoure la piste. Le dressage à la cravache n’a aucun de ces désavantages et serait excellent si ceux qui le préconisent n’en abusaient pas en le faisant durer beaucoup trop longtemps et en lui demandant beaucoup plus qu’il n’est nécessaire. Des praticiens habiles comme le capitaine Raabe, le lieutenant-colonel Gerhardt, le capitaine Van den Hove en obtiennent certainement des résultats fort beaux et surtout très curieux. Mais la grande majorité des cavaliers, en voulant les imiter, ne réussiraient qu’à rendre leurs chevaux rétifs. Il faut, en effet, pour bien exécuter ce travail, une habileté spéciale acquise par une longue étude de ce que le capitaine Raabe lui-même appelait « l’escrime de la cravache ». J’ajouterai qu’on perd ainsi un temps considérable, car, quoi qu’en disent quelques enthousiastes, les chevaux dressés