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sont pas les plus sçavans ; car s’il leur plaisait de mettre le cul sur la selle, ils feroient juger à ceux qui croyent une partie de leurs dires (bien que peu entendus en la science), le peu de raison qu’ils ont de parler et leur peu de jugement, en ce qu’on les verroit si mal placez dans la selle et taster un cheval de si mauvaise grâce que l’on ne rechercherait autre tesmoignage de leur insuffisance. »

Le duc de Newcastle, qui laissa pourtant la réputation d’un gentilhomme instruit et d’un très habile écuyer, tourna en ridicule tout ce qui avait été fait avant lui, y compris le travail des piliers, et se rendit ridicule lui-même par l’emphase avec laquelle il parla de l’excellence de sa propre méthode, la meilleure qui eût jamais vu le jour : « En toutes choses il n’y a qu’une seule vérité qui est unique partout. Si ma méthode est l’unique, il s’ensuivra vraisemblablement qu’elle est la véritable… C’est la quintessence de toutes les règles ; et pour mettre en pratique celle dernière méthode j’ay quitté absolument toutes les autres pour m’attacher uniquement à celle-cy… Je puis respondre que mes livres sont escrits aussi clairement et aussi intelligiblement qu’on le peut sur cette matière… »

Avec beaucoup de raison, Newcastle recommande de s’occuper du poulain depuis sa naissance pour le rendre familier ; il veut qu’ensuite on le monte en selle à picquer avec un caveçon de corde, ou licol, ou un caveçon commun, mais couvert d’un cuir doux pour ne pas le blesser et qu’ainsi on lui donne les premières leçons. Cependant, s’il s’agit d’un poulain plus âgé, désobéissant et peu traitable, il le met au pilier sans personne dessus et, pour combattre certaines défenses, notamment l’emballement et le cabrer, il a recours aux deux piliers. Il eût donc mieux valu commencer par là, puisqu’on aurait prévenu tout désordre.

Il décrit assez longuement les allures, mais de la manière la plus erronée, quoique avec son assurance habituelle. Toutes les fois d’ailleurs qu’il traite les questions qui se rattachent à la science, il ne manque pas de prendre le ton d’un homme infaillible pour dire souvent des énormités ; ses démonstrations, particulièrement au sujet de l’emploi des rênes et des jambes, sont extrêmement fatigantes à lire, parfois presque inintelligibles. Solleysel, son traducteur, a blâmé les chapitres VIII, IX, X, XI et XII de la seconde partie, sur les effets de la bride, qui en réalité sont absurdes.

La chose sur laquelle Newcastle insiste le plus et qui constitue selon lui la grande nouveauté de sa méthode est l’emploi du caveçon avec une rêne de chaque côté attachée au pommeau de la selle, ou aux sangles, ou tenue dans la main du cavalier, pour