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au pilier et qu’on le fasse tourner autour, d’abord au pas, puis au trot et au galop. Ensuite on l’attachera entre les deux piliers et on lui fera ranger la croupe à droite et à gauche. On répétera ces exercices avec la selle, les étriers pendant le long du corps du cheval ; puis le cavalier le montera avec beaucoup de précaution, lui fera exécuter quelques mouvemens, suivi d’un homme tenant la longe et la gaule ou la chambrière, et le replacera dans les piliers, ce qui permet de lui faire sentir un talon et les deux. Pluvinel recommande toujours une extrême douceur : il y a, dit-il, fort peu de chevaux qui ne veulent pas obéir. La gaule et la chambrière ne sont employées que par petits coups, pour stimuler l’animal. Aussitôt il est question de faire lever alternativement l’avant-main et l’arriêre-main pour exécuter les airs de manège appelés pesade, ruade, courbette, ballottade, capriole. Le travail du manège commençant, on s’occupe de mettre le cheval dans la main et dans les talons en déplaçant l’arrière-main à droite et à gauche, en lui faisant faire des voltes et des demi-voltes et en lui pliant toujours la tête du côté où il tourne, le ramenant dans les piliers ou autour du pilier toutes les fois qu’il y a des résistances.

Il veut que le cheval prenne plaisir à tout ce qu’il fait, qu’il conserve sa « gentillesse ». Avec les chevaux colères, impatiens et méchans, il montre l’absurdité d’employer les moyens violens qui exposent toujours à des accidens ; il recommande toujours la prudence et ne corrige pas : « Il faut, dit-il, faire plus de peur que de mal. »

Dans la dernière partie de son livre, il revient sur les airs de manège, et parle des embouchures dont il réduit, d’une manière générale, le nombre à douze. D’un bout à l’autre, il insiste beaucoup sur la nécessité des piliers, et reprend vertement ceux qui en blâmaient l’usage : « Plusieurs sortes de gens se meslent de censurer beaucoup de choses, desquelles si on leur demandait eu conscience les raisons, ils n’en pourroient dire aucune valable, mais ils allégueraient l’ordinaire qui est que devant les ignorans, il n’est que de trouver à redire sur tout, afin de faire estimer qu’ils feraient beaucoup mieux s’ils vouloient en prendre la peine… disant que tout nostre moyen n’est que les piliers, et que ce sont des estrapades qui gastent autant de chevaux que l’on y en mot ; que hors de là ils ne font chose du monde et qu’il faut toujours porter des piliers avec nous et des lieux resserrés[1] pour faire manier nos chevaux, autrement nous ne pourrons faire rien de bon. Mais il est très certain que ceux qui chantent ce langage ne

  1. Des manèges.