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ce genre de construction en fer laminé dans la Tour Eiffel. Bouchez en pensée les interstices entre les côtes du squelette soit par des pierres soit par un galandage, et vous aurez des maisons hautes un échantillon, très mince d’ailleurs et d’une tout autre forme. Nos constructions en tôle diffèrent des constructions analogues de l’Amérique par un autre point : les nôtres sont rivées, comme si elles ne devaient jamais être démolies ; les leurs sont boulonnées comme si leurs propriétaires prévoyaient qu’ils dussent un jour les démonter pour les transporter ailleurs.

Dans ces constructions mixtes en fer et en maçonnerie, celle-ci ne s’étend plus jusqu’au sommet ; elle s’arrête ordinairement à mi-chemin et c’est un simple remplissage qui continue jusqu’au toit la clôture nécessaire. Ce second genre de hautes bâtisses a été largement employé à New-York aussi bien qu’à Chicago et même en des villes de troisième ordre comme à Saint-Paul, dans le Minnesota. Il a été surtout employé sur les terrains d’étendue très restreinte et d’un prix très élevé, où il était nécessaire de ménager l’espace, ou bien encore dans certaines rues où les bâtimens élevés se serrent et s’appuient les uns contre les autres, par exemple dans Randolph Street à Chicago. Il y a là tout un îlot de maisons sur un alignement de trois cents mètres où le second système est mélangé au premier et forme un massif de constructions de quarante à soixante mètres de hauteur le plus étrange que l’on puisse voir.

Le troisième système, le plus récent, et qui jouit aujourd’hui de la plus grande faveur, est celui auquel on a donné le nom de « style de Chicago ». Le mot de « style » nous paraît au moins déplacé ; il ne s’agit pas de style, mais de mode de construction. Ce nouveau mode, qui a pris naissance à Chicago en 1889, sous l’inspiration peut-être de l’exemple donné par la Tour Eiffel, consiste à supprimer complètement les murs, du moins en tant que supports. De là à les supprimer tout à fait, il n’y aura pas loin ; et déjà nous apparaissent les maisons où les murs sont remplacés par des parois métalliques. Au fer a été substitué l’acier, pour les sommiers comme pour les piliers portans, pour les parois comme pour les solives. Si l’on a encore recours à la maçonnerie, on l’établit d’étage en étage sur des sommiers superposés aux linteaux des fenêtres de l’étage inférieur et appuyés sur les piliers de la grande, ossature. Ce procédé rend la maçonnerie indépendante d’un étage à l’autre : c’est assez dire que son poids ne porte pas sur le sol ; elle s’y joint seulement et ne nécessite pas de fondations peu relie ; mais ce chapitre des fondations n’en prend que plus d’importance quand il s’agit des piliers portans.

Deux systèmes sont à la fois préconisés et employés pour les