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trouvé bien étroit pour y bâtir une maison de cinq étages. L’édifice se dressait en façade comme une tour, et il fut en effet appelé Tower building. Les quatre murs d’enceinte étaient encore en maçonnerie, mais en maçonnerie légère qui n’avait plus qu’en partie fonctions de supports. Les vrais supports étaient des colonnes en fonte qui, parties du sol où elles reposaient sur des dés de granit, s’élevaient jusqu’au comble en saisissant au passage la charge des onze planchers. Ces planchers étaient formés de poutres en fer laminé croisées par des solives de même métal, le tout fortement boulonné et non rivé. Enfin des éclisses les reliaient à la maçonnerie, et tout l’appareil constituait horizontalement une construction d’une solidité à toute épreuve. M. le chevalier von Emperger, architecte à New-York, qui a fait sur les hautes bâtisses de l’Amérique du Nord une étude technique où nous avons puisé le meilleur de notre travail, fait observer que, si cette solidité est grande dans le sens horizontal, elle l’est beaucoup moins dans le sens vertical. Bien qu’il ne se soit point produit jusqu’à présent d’accidens graves, on a pu s’assurer cependant qu’il ne serait pas prudent de se servir de ce système pour des maisons dépassant dix étages. On l’emploie encore pour les édifices de moyenne hauteur parce qu’il est le moins coûteux du genre, mais quand il s’agit de monter à plus de quarante mètres, il faut avoir recours à d’autres procédés.

On n’est pas arrivé du premier coup aux hardiesses calculées de M. Bruce Price pour la maison haute du Sun. En nombreuses circonstances on a marié le fera la maçonnerie, mais en mettant autant que possible la fonte à l’écart. Au lieu de colonnes en fonte emboîtées les unes sur les autres d’étage ; en étage et dont le lien en sens vertical ne paraît pas suffisamment solide pour résister aux grands ouragans fréquens en ces contrées, on a poussé de pied en cap des piliers en tôle, moins pesans et plus faciles à ajuster que les piliers en fonte. Ces piliers en fer laminé ont en outre l’avantage de franchir deux étages d’une seule portée — ce qui diminue de moitié les points de suture — et d’offrir au vent une sorte d’élasticité qui leur permet de plier sans se rompre. En plusieurs constructions, on a noyé les piliers inférieurs dans la maçonnerie, et l’on sait que le fer ainsi enveloppé devient inaltérable.

Le support pouvait porter un poids plus considérable ; il n’était donc plus nécessaire de considérer les murailles comme points d’appui. Leur rôle devenait subalterne, elles ne devaient plus servir que de remplissage entre les membres de l’immense ossature. Désormais ces membres pouvaient s’élever jusqu’au dix-huitième étage sans peser trop lourdement sur les fondations et sans rien perdre de leur rigidité, Nous avons sous les yeux un exemple de