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Vienne, exaltée par le succès d’Aspern et irritée jusqu’au mépris des tergiversations de la Prusse, tenant d’ailleurs à Berlin plus d’un des fils de la politique prussienne par la situation qu’y avait prise son envoyé Wessenberg, crut habile de compromettre Frédéric-Guillaume III, on pensa l’entraîner en le compromettant.

Trompée peut-être par les récits que le prince d’Orange avait rapportés de Berlin, elle envoya en juin à Königsberg un officier autrichien en uniforme, le colonel Steigentesch. Elle réussit bien à compromettre le roi de Prusse, à provoquer les inquiétudes et les remontrances de l’ambassadeur de Russie à Berlin, d’Oubril, et du consul français à Königsberg. Clérambault ; mais lorsque Steigentesch se présenta à Frédéric-Guillaume III, celui-ci lui demanda avec mauvaise grâce s’il venait embaucher les officiers prussiens pour le compte de l’Autriche[1]. Steigentesch ne put obtenir que les réponses les plus vagues et un « plus tard » que ni le roi ni la reine ne se résolurent à préciser.

Ce qui caractérise vraiment les relations diplomatiques de la Prusse et de l’Autriche à cette date, mieux encore que les méfiances et les tergiversations de la Prusse, c’est l’épilogue de la mission de Steigentesch. Soit pour entraîner la Prusse à une coopération obligée, soit pour que du moins elle eût, elle aussi, en cas d’échec, à payer les frais de la guerre, l’officier autrichien se hâta de raconter en repassant à Berlin sa mission et ses entretiens au baron de Linden, l’envoyé du roi Jérôme à Berlin. Peut-être même amplifia-t-il quelque peu ses confidences, qui devaient, par ce canal, parvenir sûrement à Napoléon.

La solution des hésitations de la Prusse ne pouvait venir, au milieu de circonstances semblables, que des événemens. Elle vint de la victoire de Wagram qui brisa définitivement l’effort de l’Autriche.

Mais avec le défaut de clairvoyance qui lui était habituel, Frédéric-Guillaume ne prit point la victoire de Wagram pour ce qu’elle était réellement, c’est-à-dire pour le terme de la crise de 1809. Ce fut le 24 juillet 1809, « à la treizième heure », qu’il se résolut à envoyer à l’Autriche un officier prussien, Knesebeck, en qui il avait une certaine confiance parce qu’il le croyait moins qu’un autre prisonnier des « factions »[2].

Knesebeck allait porter à Vienne des assurances vagues, mais cependant assez compromettantes. À peine était-il parti que Frédéric-Guillaume se repentit. Il comprit qu’il avait choisi pour se compromettre avec la Russie et la France le plus mauvais moment. Il en témoigna à ses ministres, qu’il rendait responsables de sa

  1. Seelcy, Life and Times of Stein, II, p. 403.
  2. Lehmann, Scharnhorst, II, p. 300.