courant qui entraîne son frère[1]. Comme aux temps de prépondérance impériale qui précédèrent l’avènement du grand Electeur, l’ambassadeur d’Autriche, Wessenberg, agit et parle presque en maître à Berlin, et Stein est si loin de la Prusse qu’il écrit le 12 juillet 1809, probablement à Götzen : « La Prusse disparaîtra sans laisser ni regrets ni gloire, et l’on regardera comme un bonheur la ruine d’une puissance qui a d’abord ébranlé l’Europe par son ambition, qui l’a inquiétée ensuite par ses tripotages ; et qui n’a rempli aucun des devoirs qu’elle avait contractés envers elle-même et envers la communauté européenne[2]. »
Pourquoi l’effort européen de 1809 n’a-t-il point abouti ? Est-ce que la puissance napoléonienne n’était point suffisamment affaiblie ? Est-ce que la disproportion entre les forces de l’Empire français et l’étendue de ses conquêtes n’était point encore assez exagérée ? Est-ce que le concours de la Russie était nécessaire à l’affranchissement de l’Europe ? Est-ce plutôt qu’il y avait véritablement une violence trop forte faite aux traditions séculaires des nations européennes à vouloir que la monarchie des Habsbourg devint un champion d’indépendance ?
Si jamais la Prusse a semblé près de se laisser ravir son rôle d’Etat allemand, c’est durant cette année critique où l’Autriche a pris la direction de la politique européenne, où le gouvernement prussien n’existe plus que de nom, où les patriotes allemands et Stein le premier ont renoncé à placer en lui leurs espérances, où la dynastie même des Hohenzollern semble presque avoir rompu par ses faiblesses et ses défaites le lien de fidélité traditionnelle qui rattachait les Prussiens à leur roi.
Frédéric-Guillaume III gouvernait depuis treize années l’Etat prussien, et les épreuves ne l’avaient point formé. Que dire de l’homme qui, dans l’angoisse de ces crises nationales, ne retrouvait quelque énergie intellectuelle et personnelle que pour traiter des questions d’uniforme et entretenir avec les hommes qui allaient sauver et refaire son royaume des relations d’hostilité hargneuse ?
Boyen, qui le connut de près et le juge sévèrement, rapporte de lui un trait caractéristique[3]. On avait résolu de dissoudre les régimens dont la conduite dans la dernière guerre avait laissé à désirer, et dont le nombre était considérable. Le roi comprit parmi les corps frappés le régiment de hussards dont Blücher