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PERLE FAUSSE DEUXIEME PARTIE (1) IV Le surlendemain de ce jour, vers deux heures, Marvège était assis en face d’Alice dans un des petits salons de l’hôtel Treillot. Après plus d’une semaine consacrée à Fédine, Raoul, privé de son convalescent, s’était demandé ce qu’il pourrait bien faire de son après-midi. Tout à coup il s’était souvenu de cette singu- lière amie avec qui, certain soir, il avait échangé un sourire, de si près qu’il semblait un commencement de baiser; et, s’étant souvenu, il n’avait pas hésité : il était accouru auprès d’elle... C’est qu’il y a des heures, — qu’on pourrait appeler nos heures fémi- nines, — où nous ne désirons rien, sinon la compagnie d’une femme; où c’est bien* cela qu’exige notre être spirituel; où notre pensée se coulerait difficilement dans le moule d’une con- versation masculine ; où il nous faut des idées, des paroles, même des gestes féminins; et cette femme, nous la choisissons, selon notre variable aspiration, rêveuse ou gaie, candide ou savante, coquette ou sentimentale... Marvège n’avait peut-être pas songé à tout cela ou du moins il n’y songeait plus. Maintenant, dans le petit salon, dont les rideaux pesans et les stores à demi baissés repoussaient l’assaut des clartés gênantes, il tenait sous son regard sa vive amie babillante, n’y touchant pas, mais la croyant un peu à lui, comme un enfant qui admire, derrière les barreaux de sa cage, l’oiseau qu’il n’ose (1) Voyez la Revue du 1er avril 1894.