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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mars.


Le Parlement est en vacances. Les fêtes de Pâques et la réunion prochaine des Conseils généraux ont dispersé ou appelé sénateurs et députés sur tous les points de la France. Mais les deux mois de session qui viennent de s’écouler n’ont pas été sans intérêt : notre politique intérieure y a pris une allure nette et décidée qu’on n’avait pas vue depuis longtemps. La pensée du gouvernement s’y est éclaircie et dessinée, et on a commencé à reconnaître les voies nouvelles où les élections de septembre dernier ont engagé le pays. La session d’automne, qui a précédé le 1er janvier, avait été consacrée presque tout entière à la vérification des pouvoirs, et c’est depuis lors seulement que, ces pouvoirs une fois vérifiés, on en a usé.

Il fallait bien s’attendre à un débat sur la révision de la Constitution. Radicaux et réactionnaires, tous ceux qui, dans un sens ou dans l’autre, ont promis à leurs électeurs plus qu’ils ne sauraient tenir, commencent toujours par déclarer qu’ils ne seront en état de réaliser leurs promesses que si on leur donne des moyens d’action tout nouveaux. C’est inévitablement à la Constitution qu’ils s’en prennent. Elle est le bouc émissaire qu’ils rendent responsable de la stérilité de leurs efforts dans le passé et de l’impuissance à laquelle ils se savent condamnés dans l’avenir. Ah ! si la constitution avait été révisée : on aurait déjà vu, on verrait encore des merveilles ! Ils demandent donc qu’on la révise, on le leur refuse, et, dès lors, leur conscience est en règle. Ils ont une excuse toute trouvée à l’avortement de leurs programmes. Cela est commode et ne fait de mal à personne : le seul inconvénient est que la Chambre y perd deux ou trois séances qu’elle aurait pu, sans doute, mieux employer, mais que, peut-être aussi, elle aurait employées plus mal. Cette fois, le débat sur la révision n’a pas été tout à fait inutile. Il nous a valu quelques bons discours, comme celui de M. Paul Deschanel, où les vrais principes du gouvernement parlementaire ont été exposés avec une élévation de pensée et une vigueur de style tout à fait remarquables. La Chambre, — nous ne le disons pas à son éloge, — a paru légèrement éton-