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LES THEATRES ALLEMANDS

On sait que nos théâtres de Paris ont une réputation très haute à l’étranger. Nos façons habituelles de nous juger nous-mêmes, notre égoïsme national, — encore que cet égoïsme, à vrai dire, soit moins prononcé et moins méprisant chez nous qu’il ne l’est chez d’autres peuples, — nous dispensent d’avoir aucun effort à faire pour croire cette réputation de tous points méritée. Elle l’est d’ailleurs en effet très souvent. Mais si parfaits que nous soyons, ou que nous pensions être, peut-être n’est-il pas indifférent de voir de temps en temps ce que peuvent aussi faire les autres peuples. J’ai eu maintes fois, lors de séjours un peu prolongés dans diverses parties de l’Allemagne, la curiosité d’assister à des représentations théâtrales, de genres ou de mérites les plus divers, et dans les milieux les plus dissemblables. Tout récemment encore, j’ai passé un certain nombre de soirées à voir un peu méthodiquement les principaux théâtres de Berlin ; et je voudrais simplement ici résumer rapidement les observations les plus générales que j’ai pu faire, dégager surtout les différences qu’il peut y avoir, là où il y en a, entre les conditions actuelles de notre théâtre et celles du théâtre de là-bas.


I

Quoique l’on commence à s’apercevoir combien il est injuste et dangereux de s’en rapporter toujours en tout à la foule, nous ne sommes pas encore guéris de notre tendance à considérer le public comme étant l’infaillible juge au théâtre, en même temps qu’il y est le souverain maître. Les arrêts qu’il rend au théâtre ont l’avantage d’être anonymes, ce qui leur donne tout d’abord quelque apparence de justice ; et de plus,