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que les rayons incidens traverseront la couche sensible et transparente, qu’ils se réfléchiront sur la surface polio, qu’ils reviendront en arrière et qu’ils rencontreront en revenant les rayons qui arrivent. Il se formera alors deux ondes lumineuses : une onde directe et une onde réfléchie qui, en se rencontrant, produiront des Interférences. On va voir que ce qui se crée dans la projection de ces rayons lumineux n’est que la répétition de ce qui s’est produit dans les expériences du colonel Savart, par la projection sur un mur des vibrations sonores.

Dans la photographie des couleurs, l’espace en avant du miroir est rempli de plans parallèles alternativement brillans et obscurs, de manière que deux de ces plans brillans soient séparés entre eux par une distance égale à une demi-longueur d’onde, c’est-à-dire à la 4000e partie d’un millimètre. Il en résultera, dans l’épaisseur même de la couche sensible, une création d’un grand nombre de ces plans. En un mot, cette couche sensible, qui est déjà très mince, sera divisée, comme l’eût été la feuille de papier dont nous avons parlé, en une quantité de couches encore infiniment plus minces.

Seuls les plans brillans pourront impressionner la couche sensible et, au cours du développement photographique, cette impression se révélera en couleur noire, tandis que les tranches correspondantes aux plans obscurs ne seront pas impressionnées. Si donc, pour employer le procédé de la photographie ordinaire, on trempe la plaque développée dans l’hyposulfite de soude, toute la matière sensible à la lumière et non altérée va se dissoudre et il ne subsistera sur la plaque que des tranches infiniment minces d’argent réduit, et cela aux points mêmes où s’étaient fixés auparavant les plans brillans.

Il en résulte que toute l’épaisseur de la couche photographique sera partagée en tranches par des plans d’argent métallique parallèles entre eux et séparés l’un de l’autre par une distance égale à la demi-longueur d’onde de la couleur simple qui a impressionné la plaque.

Ces plans constituent donc, deux par deux, une lame mince dont l’épaisseur est précisément telle que l’indique la théorie des anneaux de Newton et c’est ainsi que, suivant cette loi, que nous citons textuellement, les rayons réfléchis sur ces deux lames donnent, en interférant entre eux, la sensation de la couleur correspondante. Bien plus, chaque couleur produit dans la plaque un système analogue de plans parallèles, dont la coexistence explique la reproduction photographique des couleurs composées.

Tout le secret de la photographie des couleurs est dans renonciation de ce principe.