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plaque placée derrière l’objectif. On comprend, dès lors, que ces feuillets constituent précisément l’organe de reproduction des couleurs sans qu’ils aient eu besoin d’être colorés par eux-mêmes.

Pour opérer pratiquement, il faut tout d’abord empêcher que, dans la couche photographique, aucun obstacle ne gêne la fixation ou l’accumulation des couleurs dans ces tranches virtuelles qui, par réflexion, doivent produire les couleurs comme les produisent les lamelles liquides d’une bulle de savon lancée par une main d’enfant.

Il faudra donc, avant tout, exclure les plaques ordinaires au gélatino-bromure ou au gélatino-chlorure que l’on trouve dans le commerce et dont la couche sensible est le résultat d’une émulsion. Examinée au microscope, cette couche présente généralement un grain très grossier provenant des parcelles solides de la matière sensible. Ces grains ont des dimensions considérables, par rapport à la longueur d’onde d’une couche de couleur. Ils obstrueraient complètement cette couche, en déformeraient les plans réfléchissans, et empêcheraient toute communication du phénomène chromatique. Ces plaques ne pourraient pas plus produire les couches minces qui correspondent aux couleurs à photographier qu’une pierre de taille de 5 mètres d’épaisseur ne pourrait servir à la construction d’un mur qui ne devrait avoir qu’un mètre.

En outre, les plaques du commerce sont généralement opaques et ne seraient pas susceptibles d’être traversées par l’onde directe et l’onde réfléchie qui doivent produire le phénomène d’interférence. Le mieux est d’utiliser de préférence des plaques sensibilisées au collodion ou à l’albumine, qui ont l’avantage d’être continues et transparentes. Ce choix du procédé de sensibilisation n’a pourtant rien d’absolu. Ce qui importe avant tout, c’est que la couche sensible n’ait pas de grains ou que ses grains soient de dimensions négligeables, c’est-à-dire de dimensions inférieures à la demi-longueur d’onde qui répond à la couleur.

Sans entrer dans aucun détail pratique qui est plutôt du ressort des professionnels, — et, parmi eux, un des praticiens les plus distingués, M. Lumière, a singulièrement secondé les idées théoriques de M. Lippmann, — on peut facilement se représenter le procédé employé par l’inventeur de la photographie des couleurs, pour rendre sa conception pratique.

La face réfléchissante d’un miroir plan métallique est couverte, par les procédés ordinaires de sensibilisation, d’une couche impressionnable formée d’albumine ou de collodion au chlorure ou au bromure d’argent. Si l’on fait agir sur elle un rayon d’une couleur simple quelconque, occupant, par conséquent, une place déterminée dans la gamme des couleurs simples, il en résultera