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Le génie de Newton fut le premier à découvrir les causes du phénomène de coloration. Pour rendre ces causes plus tangibles, il imagina l’expérience connue sous le nom d’Anneaux colorés de Newton. Sur une glace rigoureusement plane on dispose, par sa face sphérique, et sans la fixer autrement, une lentille convexe. Cette lentille ne touche, par conséquent, la glace que par un seul point, tous les autres points de la lentille restant séparés de la glace par une tranche d’air d’autant plus épaisse qu’ils sont plus éloignés du point de contact. Si l’on éclaire ce dispositif au moyen d’une lumière monochromatique, telle que la lumière jaune résultant de la combustion d’une lampe à alcool salé, on remarque immédiatement dans la glace une tache noire centrale entourée d’anneaux concentriques alternativement brillans et obscurs. Ces anneaux ne sont pas à égale distance les uns des autres. Ils se resserrent d’autant plus qu’ils sont plus éloignés du centre noir correspondant au point de contact des deux verres. En employant des lumières simples de nature différente, on voit le diamètre des anneaux augmenter ou diminuer, suivant que la longueur d’onde qui caractérise la lumière employée est plus grande ou plus petite.

De cette expérience il résulte que, si l’on éclaire la glace avec de la lumière blanche, on aura la superposition des effets obtenus avec les diverses lumières simples. Dans ce cas, les couleurs ne peuvent pas coïncider, et alors, au lieu d’avoir un système d’anneaux alternativement noirs et blancs, on aura des anneaux irisés de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. C’est absolument ce qui se produit dans la bulle de savon. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que la couleur diffère suivant l’épaisseur de la lamelle. Remarquez qu’il s’agit là de couleurs naturelles, produites sans l’intervention d’aucune action chimique, mais simplement par suite de phénomènes lumineux que nous expliquerons tout à l’heure.

Toute l’invention de M. Lippmann repose là-dessus.

Si vous donnez naissance à une bulle de savon, elle réfléchit, dès sa sortie de la paille, la couleur violette ; puis, devenant plus grande, c’est-à-dire plus mince, elle réfléchit du bleu, puis du vert, puis du jaune, puis, lorsqu’elle s’est complètement amincie sous l’action du souffle qui la gonfle, elle produit du rouge.

On voit, par là, quelle est la véritable origine des couleurs. Elles ne sont que les notes successives de la gamme lumineuse, de même que les notes musicales ne sont formées que par la gamine de l’échelle des sons. Newton a compté arbitrairement sept couleurs dans le spectre, afin d’y faire figurer autant de couleurs principales qu’il y a de notes principales dans la gamme des sons musicaux.