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Boulogne-sur-Mer, la « maison où se vend le hareng frais » est affermée pour un prix analogue. Le greffier des eaux et forêts, à Bourges, paie son logis 14 francs et, dans le voisinage, Romorantin nous offre le type d’une maison louée 6 francs.

Bâtiment infime assurément, puisque, dans cette même ville, on tirait 10 francs d’un « étal » de boulanger. Toutes proportions gardées, les boutiques — et quelles boutiques ! — étaient d’un meilleur produit au moyen âge que les maisons entières. Au XIVe siècle, un étal de boucher se louait de 25 à 33 francs à Paris, 10 francs à Évreux. Aux XVe et XVIe siècles, pour une boutique de savetier ou de poissonnier, dans la capitale, on payait de 31 à 53 francs ; à Orléans, pour les mêmes professions, on devait donner de 10 à 47 francs.

Nous venons de dire que la valeur moyenne des maisons de province, au XVIe siècle, était de 1600 francs. Au denier 16, — 6,24 pour 100, — cette somme représente un loyer de 100 francs par an, intrinsèquement, et, en monnaie actuelle, de 350 francs, en tenant compte de la puissance d’achat des métaux précieux, qui était à cette époque trois fois et demie plus grande que la nôtre. La plupart des villes dont nos prix sont tirés possèdent maintenant plus de 10 000 âmes ; or le loyer moyen, dans les villes de 10 000 habitans et au-dessus, est aujourd’hui de 800 francs. Les immeubles urbains des départemens ne se trouveraient donc avoir haussé, d’une façon absolue, que de 125 pour 100 depuis le XVIe siècle, — augmentation, comme on le voit, bien modeste auprès de celle des immeubles parisiens.

L’histoire des cités de nos diverses provinces offre de singulières vicissitudes ; plusieurs d’entre elles ont peu ou nullement progressé. Les révolutions du commerce, de l’industrie, les modifications de la carte administrative, amenant ici de lentes émigrations, là des éclosions subites, ont influé sur la valeur locative d’immeubles que les habitans ne peuvent transporter, des lieux qu’ils abandonnent, dans ceux où ils vont s’entasser. On construit en hâte dans ces derniers, mais on ne démolit pas dans les autres. On entretient même les bâtimens qui existent, — aucun propriétaire ne se déterminant volontiers à laisser dépérir son capital, — mais il faut les louer moins cher.

Cependant, pas plus en province qu’à Paris, l’augmentation n’est un pur gain : les maisons actuellement debout représentent une mise de fonds beaucoup plus considérable que celles de 1501 à 1600 qu’elles ont remplacées. Sans avoir pris, si ce n’est dans les très grands centres, l’ampleur et la richesse des constructions parisiennes, sans être aussi différens de leurs devanciers que le