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dans la Chambre haute une motion tendant à l’abolition du principe héréditaire en vertu duquel le nombre des pairs augmente dans de trop fortes proportions.

Il est évident qu’il existe dans cette assemblée, à côté d’un groupe d’hommes très distingués, un grand nombre de médiocres et plusieurs individus tout à fait indignes ; mais les projets de réforme que l’on a maintes fois mis en avant, celui même dont lord Rosebery était l’auteur, suffiraient-ils pour remédier pleinement à cet état de choses ? Aussi bien les ennemis de l’aristocratie se gardent-ils de réclamer une réforme qui rendrait à la Chambre haute la vie, et peut-être une part plus grande de pouvoir et d’autorité. Beaucoup de membres radicaux des Communes préfèrent attendre que le droit de veto de la vénérable assemblée ville rejoindre celui de la couronne. Cela viendra peut-être un jour ; mais ce jour, malgré le vote d’un amendement de M. Labouchère en ce sens, est encore lointain.

Il est d’autres besognes plus immédiates : bien que l’on accuse lord Rosebery d’être plus que tiède à l’égard de l’autonomie irlandaise, il préside un cabinet fatalement voué à cette entreprise ; et si la majorité dont il dispose est trop faible pour qu’il risque d’en perdre un seul élément, la portion la plus forte de cette majorité est constituée par les députés de l’île-sœur, qui demeurent par conséquent maîtres de la situation. Il va sans dire que, le home rule disparaissant du programme libéral, ou du moins n’y tenant plus qu’une place fort effacée, les libéraux-unionistes rentreraient dans le giron du libéralisme, dont les éloigne seule la question d’Irlande. Le retour des libéraux-unionistes à leurs affinités pourrait être une éventualité probable, si ces derniers étaient plus nombreux. Comme ils ne sont que 50, tandis que les Irlandais, qui sont 80, se retourneraient immédiatement du côté des conservateurs, une pareille tactique aurait pour résultat immédiat la chute du cabinet Rosebery.

Celui-ci par conséquent aurait plus d’avantage à en appeler aux électeurs, dont il peut espérer une majorité transformée, d’autant plus que, si les chefs libéraux veulent continuer à s’occuper de l’Irlande, les Gallois se rebifferont. Ils avaient déjà signifié à M. Gladstone que, si la séparation de l’Église et de l’État dans la principauté n’était pas mise en tête du programme de la session nouvelle, ils voteraient contre le gouvernement. Or ils sont 22, juste assez pour mettre le gouvernement en minorité, le cas échéant. Le home rule d’ailleurs, tôt ou tard, par les libéraux ou par les conservateurs, sera voté, suivant l’exemple de la réforme électorale de 1867 ; mais il ne sera pas voté seul, il ne passera que comme partie d’un tout qui comprendra de bien autres innovations, des réformes d’ordre intérieur quasi révolutionnaires, dont sir William Harcourt a tracé le programme à l’occasion du discours du trône.

L’Angleterre, une fois de plus, suivant son procédé traditionnel,