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L’ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL

I.
FAUT-IL FAIRE LA CHARITÉ ?

Faut-il faire la charité ? C’est là une question qui aurait certainement paru étrange il y a quarante ans. En ce temps-là, charité s’écrivait avec un grand C. On lui élevait des statues, on lui adressait des odes. En vers ou en prose l’éloge de la charité était un couplet assez banal, mais d’un effet infaillible, et l’on voulait bien savoir quelque gré au christianisme de l’avoir mise en honneur. Il n’en va plus de même aujourd’hui. La charité a cessé de plaire. Il est assez rare qu’on parle d’elle autrement que pour en médire. Voilà trois ans qu’en pleine Académie française, à une séance où il s’agissait cependant de décerner des prix à quelques braves gens qui l’avaient pratiquée, elle a été l’objet d’une attaque assez vive. Depuis lors, il est vrai, elle y a été fort éloquemment défendue. Mais, si elle a conservé des partisans, elle a aussi des détracteurs. Attaquée d’un côté, défendue de l’autre, elle est souvent mieux attaquée que défendue. Avant de chercher le meilleur moyen de la défendre, voyons d’abord avec quelles armes on l’attaque et quels sont les adversaires avec lesquels elle se trouve aux prises.


I

Les adversaires de la charité peuvent se diviser en trois groupes.

Le premier, qui pour être peu nombreux n’en demeure pas moins redoutable, est celui des philosophes économistes. J’appelle ainsi les philosophes qui, considérant comme abstracteurs de