Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/418

Cette page a été validée par deux contributeurs.

permettait de tenir son auditoire au courant de tout ce qui se passait à l’étranger ; ce n’est pas seulement la quantité de travaux qu’il faisait sortir de ses laboratoires, c’est surtout sa méthode. Il ne se bornait pas à l’étude isolée de l’anatomie morbide. Le tableau des lésions de l’organe qu’il étudiait était toujours précédé d’une description précise de la structure normale ; il ne manquait jamais d’en faire ce qu’il appelait l’anatomie médicale, et il savait mettre en regard des lésions les symptômes observés sur le malade : il réalisait en quelque sorte une anatomie pathologique vivante. Si on a pu reprocher à ses tableaux d’être artificiels, il faut bien reconnaître qu’ils constituaient les représentations les plus vraisemblables qu’on pût faire à l’époque, et qu’ils étaient assez suggestifs pour entraîner dans la voie des recherches plus d’un de ses auditeurs.

Son cours à la Faculté de médecine, où il illustra pendant dix ans la méthode anatomo-clinique, ne lui fit pas négliger ses études de prédilection sur le système nerveux et ses maladies. Il continuait à la Salpêtrière son cours libre, et poursuivait son but, la fondation d’un enseignement spécial. Il obtint successivement la création d’une consultation externe, d’une salle d’électrothérapie, d’un musée anatomo-pathologique, d’un amphithéâtre, de laboratoires. Enfin, en 1882, fut instituée pour lui la chaire de clinique des maladies du système nerveux. Depuis cette époque, son zèle ne s’est pas ralenti ; Charcot a groupé autour de lui des représentans autorisés des spécialités connexes à la neuro-pathologie, — ophthalmologie, laryngologie, otologie, etc., — les laboratoires ont été multipliés et spécialisés : l’histologie, la physiologie expérimentale, la photographie, y sont représentées avec un personnel d’élite. Cet ensemble constitue actuellement un Institut neuro-pathologique dont le personnel et l’outillage sont adaptés à la fois aux travaux de recherches et à l’enseignement ; et on peut dire qu’il a donné dans ces deux directions des résultats qui font honneur à notre pays. L’école de la Salpêtrière mérite sa réputation autant par les travaux originaux qu’elle a produits que par son enseignement.

Charcot n’a pas eu seulement le mérite de réaliser les conditions matérielles de l’institution qu’il rêvait ; il a animé cette institution par son travail personnel, et il lui a donné une impulsion qui n’est pas près de s’arrêter, en attirant autour de lui une légion de travailleurs qui se sont résolument engagés dans le sillon fécond qu’il avait tracé.

On ne peut guère se rendre compte du rôle de Charcot, si on ne se représente pas l’état de la neuro-pathologie à l’époque où il a commencé son enseignement. On ne peut pas dire qu’il a créé une