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étudie ces rapports, et il y répond, toujours par écrit. Les sections délibèrent ensuite et l’on lâche de se mettre d’accord. Chaque membre de chaque section est libre, cela va sans dire, de faire connaître son opinion, mais s’il veut donner à son exposé quelques développemens, il doit le faire, lui aussi, par écrit, par une lettre, par une brochure. Il pourra s’expliquer encore, lors de la discussion publique qui ne s’ouvrira qu’après entente dans les sections, si l’entente a été possible, en tout cas après mûr et patient examen. Des amendemens viennent-ils à être admis, une deuxième lecture est ordonnée, afin de s’assurer [que tous les articles, même modifiés, concordent et que la loi, comme il arrive ailleurs, ne renferme pas de contradictions qui la rendent inapplicable. La supériorité de ce procédé législatif n’a pas besoin d’être longuement établie ; il permet d’échapper aux inconvéniens trop réels d’une législation purement oratoire, qui se fait toute à coups de discours : discours dans les bureaux pour nommer une commission, discours dans la commission pour faire prévaloir une idée, et discours on séance pour empêcher ou obtenir le vote. Somme toute, on « bavarde » beaucoup moins si l’on « paperasse » un peu plus et le papier imprimé, ici encore, a sur la parole cet avantage qu’il reste, forme document et laisse le temps de la réflexion.

Rarement on avait vu autant de notes, remarques et observations qu’en a fait naître, depuis un an, le projet de loi électorale. Ni la première rédaction de M. Tak van Poortvliet, ni la seconde n’a paru contenir l’heureuse trouvaille qui eût satisfait tout le monde. Mais peut-être aussi était-il chimérique de la chercher, cette pierre philosophale. M. Tak van Poortvliet n’avait guère l’indépendance de ses mouvemens ; il était lié et, s’il eût feint de l’oublier, on le lui eût impitoyablement rappelé, par un texte catégorique, le texte de l’article 80 de la constitution révisée. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de calquer, et tout ce dont il pouvait élargir le modèle, c’est de la grosseur d’un trait de crayon. L’article 80 dispose : Seront électeurs « ceux qui possèdent les qualités de capacité et de bien-être social à déterminer par la loi. » M. Tak van Poortvliet n’avait plus qu’à fixer le signe de la « capacité » et la mesure du « bien-être social ». Il s’y est essayé, en ces termes, dans l’article 3 de son second projet : « La présente loi considère comme le caractère de la capacité et comme le caractère du bien-être social de pourvoir à son propre entretien et à celui de sa famille. » L’article 4 ajoute : « Elle attribue la possession de ce caractère à ceux qui, pendant les trois derniers mois, ont demeuré dans une même maison ou qui, pendant la dernière année