Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

firent, un suprême effort pour arracher à Louis XIII le renvoi du cardinal. La Journée des dupes, après avoir commencé pour eux comme un succès, se termina par une déroute. À partir de ce moment, Richelieu devait être encore attaqué, mais non pas sérieusement menacé. Il put faire tombe les têtes les plus hautes, celles du maréchal de Marillac, du duc de Montmorency. Gaston d’Orléans, après de folles tentatives de révolte, finissait toujours par sacrifier ses complices et par faire sa soumission. Marie de Médicis, découragée, abandonna la lutte et se réfugia chez les ennemis du roi et du royaume, à Bruxelles : dernière et irréparable erreur. En demandant un asile à l’Espagne, elle donnait raison à toutes les accusations dirigées contre elle par le premier ministre et se perdait à tout jamais auprès de son fils.

Nous voici arrivés en 1632. Le conseil, que Richelieu gouverne en maître, a pris sa forme définitive et ne subira plus que de rares modifications. Ceux qui le composent sont des créatures du cardinal. Au premier rang, Bouthillier père, le vieil ami de la famille de Richelieu ; Bouthillier fils, plus connu sous le nom de comte de Chavigny ; le chancelier Séguier ; Chateauneuf, qui a succédé comme garde des sceaux à Marillac, et qui a présidé la commission extraordinaire formée pour juger Montmorency ; le cardinal de La Valette, fils du duc d’Epernon, qui dans la Journée des dupes a joué un rôle décisif en conseillant à Richelieu de ne pas abandonner la partie et d’aller plaider directement sa cause auprès du roi ; le Père Joseph, Servien, Bullion. L’un d’entre eux trahit, c’est Châteauneuf. Il est aux pieds de Mme de Chevreuse : avec elle et pour elle il sert les intérêts d’Anne d’Autriche, qui depuis la fuite de la reine mère est devenue le centre des mécontens de la Cour. Richelieu sait ce qu’on peut craindre de Mme de Chevreuse ; il connaît son esprit d’intrigue, son courage, sa ténacité. Lui-même, dans un autre temps, a eu, dit-on, un goût assez vif pour cette femme séduisante et passionnée ; mais, s’il a subi son charme, il n’a pas subi sa domination, tandis qu’elle gouverne souverainement le faible et versatile garde des sceaux. Châteauneuf est exilé, les sceaux lui sont enlevés et confiés au chancelier Séguier. Servien, secrétaire d’Etat de la guerre, est écarté quelques années après. La cause de son renvoi est moins grave. On n’a pas à se plaindre de sa fidélité. Homme d’esprit, causeur agréable, il a le don de plaire au ministre qui le défend longtemps, mais il est combattu par le Père Joseph, par La Valette, par Chavigny. On lui reproche son manque de dévouement et d’activité, on lui impute la mauvaise organisation de nos armées au début de la guerre contre les deux branches de la maison d’Autriche