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Danemark, définitivement épuisé. La France, qui avait déjà noué des relations avec le roi de Suède, envoya auprès de lui Charnacé, un protégé du Père Joseph, pour négocier un traité de subsides. Il était admis, à cette époque, qu’on pouvait fournir des secours en hommes et en argent aux ennemis d’une puissance avec laquelle on était officiellement en paix. C’est par ce procédé que la France, d’un côté, l’Espagne et l’Empire, de l’autre, se firent plusieurs fois la guerre sous le couvert de leurs alliés. Ferdinand II, en présence du nouveau danger qui le menaçait, cherchait à fortifier son pouvoir de deux manières : d’abord en apaisant les dissentimens qui existaient entre lui et la ligue catholique, dirigée par le duc de Bavière, Maximilien ; ensuite en faisant nommer son fils roi des Romains, ce qui le désignait d’avance comme son successeur à l’Empire. Pour atteindre ce double but il avait convoqué une diète à Ratisbonne. Richelieu fit représenter la France auprès de la diète par deux envoyés chargés accessoirement de traiter la question de la succession de Mantoue. Toutes les affaires d’Allemagne et d’Italie allaient donc se trouver en discussion à Ratisbonne. L’un des deux envoyés, Brulart, prieur de Léon, portait seul le titre d’ambassadeur. Le Père Joseph, qui lui était adjoint, n’était officiellement désigné que comme son assistant ; mais son crédit auprès du cardinal, sa réputation de finesse et même de duplicité, les succès diplomatiques qu’il avait déjà remportés, le faisaient regarder comme le véritable chef de la mission. Richelieu, tout en surveillant la double négociation qui se poursuivait avec la Suède et avec l’Empire, avait à se défendre contre les assauts répétés et furieux de la coterie dirigée par la reine mère, le maréchal de Marillac et son frère le garde des sceaux.

La mission du Père Joseph et du prieur de Léon se poursuivit pendant près d’un an parallèlement à celle de Charnacé ; mais le résultat des deux négociations fut bien différent. Tandis que le traité conclu à Bernwald avec le roi de Suède le 23 janvier 1631 fut accueilli avec joie et ratifié par Richelieu, le premier ministre critiqua violemment les arrangemens conclus à Ratisbonne par les plénipotentiaires français et les désavoua officiellement. Malgré toutes les recherches des historiens, un certain mystère plane encore sur les véritables motifs de la résolution prise dans cette circonstance par Richelieu. M. Fagniez, qui a serré le problème de plus près que ses devanciers, ne se flatte pas de l’avoir complètement résolu. Le champ reste ouvert aux hypothèses. Il est difficile de croire à une comédie concertée d’avance entre Richelieu et le Père Joseph et audacieusement soutenue par tous deux