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dans l’Etat. Richelieu ne voulait pas aller plus loin ; satisfait de la soumission politique des protestans, il ne prétendait pas, comme plus tard Louis XIV, leur imposer par la force l’abjuration de leur foi. Il espérait arriver au même but par d’autres chemins. On ne peut l’accuser d’avoir eu recours à la persécution religieuse, à laquelle il était d’ailleurs théoriquement opposé. Il n’employait, pour obtenir des conversions, que les moyens d’action détournés, mais puissans, dont un gouvernement dispose toujours, surtout un gouvernement victorieux. Dans les places prises d’assaut ou livrées par capitulation les prédicateurs entraient derrière les soldats. Le Père Joseph les dirigeait et les animait. Beaucoup d’entre eux faisaient partie de son ordre. Les moines mendians, les capucins surtout, catéchisaient la foule, pendant que Richelieu et ses agens négociaient avec les chefs et leur offraient des traités plus ou moins avantageux. Les résultats de cette propagande habilement et activement menée ne se firent pas attendre. L’ouest de la France, où la Réforme avait fait tant de progrès au XVIe siècle, revint presque tout entier au catholicisme. Le midi résista davantage. Les soucis de la guerre contre les protestans n’empêchaient pas Richelieu de surveiller d’un œil attentif tous les mouvemens de l’Espagne et de l’Empire. En Allemagne il entretient les dissentimens entre Maximilien de Bavière et l’empereur Ferdinand II, contre lequel il pousse en même temps le roi de Danemark, Christian IV. Il soutient, en Italie, contre le candidat de l’Espagne, les droits de l’héritier légitime du duché de Mantoue, le duc de Nevers, l’ami du Père Joseph. Tandis qu’on le croit uniquement occupé du siège de la Rochelle, il fait passer deux fois les Alpes à nos armées pour défendre notre protégé. Le Père Joseph est envoyé en Italie, pour y traiter cette affaire laborieuse et compliquée. Mais bientôt le terrain de la négociation va se déplacer. La succession de Mantoue ne peut pas se régler sans le concours de l’empereur. Ferdinand II, sous l’influence de l’Espagne, a pris parti contre le duc de Nevers. D’autres intérêts d’ailleurs nous appellent en Allemagne. Les affaires y ont marché de telle manière que la France va être bientôt obligée d’y intervenir directement. Nous arrivons à un de ces tournans de l’histoire où les intérêts se précisent, où les antagonismes se révèlent et où les événemens, après avoir hésité, prennent définitivement leur direction.

L’année 1630, en effet, va être décisive pour Richelieu. Au dedans la lutte est engagée à fond entre la reine mère et lui. Au dehors un nouvel adversaire vient d’entrer en ligne contre l’empereur d’Allemagne : Gustave-Adolphe a pris la place du roi de