Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dissolution des États-Généraux, prit parti dans le même sens, avec autant de chaleur, et selon toute apparence avec plus de sincérité, car il n’était pas alors l’homme compliqué que Richelieu appellera familièrement tenebroso cavernoso. Dans cette première période de sa vie, au contraire, il est tout d’une pièce : c’est un pur ultramontain, un partisan décidé de l’alliance espagnole, un défenseur convaincu de la politique suivie par la reine mère et ses conseillers. Il se mit en campagne pour amener un rapprochement entre les princes et la Cour. Il s’efforça surtout de faire abandonner à Condé et à ses partisans la théorie du Tiers-état. Diverses circonstances favorisaient son projet. Il était depuis trois ans provincial de son ordre pour la Touraine. Profitant d’une tournée qu’il avait à faire pour visiter les couvens de cette province, il arriva à Saint-Maixent, où résidait Condé. Son frère, Charles du Tremblay, occupait auprès de ce prince l’emploi de gentilhomme de la chambre. Il vit donc facilement Condé, mais il le trouva fort mal disposé. Il rencontra moins de résistance chez les ducs de Mayenne et de Longueville, sur lesquels il agit tout à la fois par lui-même et par des intermédiaires bien choisis. Il revint ensuite à la charge auprès de Condé. Il ne négligea rien pour le gagner ; il profita même d’une maladie qui mit sa vie en danger. Il lui fit craindre de compromettre son salut éternel s’il continuait à lutter contre la doctrine de Rome et du clergé. D’autres argumens, d’une nature plus terrestre, étaient en même temps mis en œuvre auprès de Condé, fort attaché, comme on sait, à ses intérêts. Le prince céda enfin dans les premiers mois de 1616, et la paix fut conclue.

Au milieu de ces événemens, les rapports entre l’évêque de Luçon et le capucin devinrent plus fréquens, sans prendre encore le caractère d’intimité qu’ils eurent plus tard. Le Père Joseph, qui sentait croître sa confiance dans le jeune prélat, lui fit part d’un projet qui avait séduit son imagination et qui tentait sa piété. Parmi les princes confédérés, qui venaient de faire leur paix avec Marie de Médicis, se trouvait un personnage curieux, qui à l’époque des croisades aurait probablement brillé parmi les compagnons de Godefroy de Bouillon, mais qui, au XVIIe siècle, eu un temps de politique froide et calculatrice, ne joua jamais qu’un rôle effacé. Charles de Gonzague, duc de Nevers, avait un beau nom, de vastes domaines, le goût des aventures et une bravoure de paladin. Catholique exalté, ses sentimens religieux et ses traditions de famille l’attiraient vers l’Espagne, il ne se doutait pas que quelques années plus tard, la succession du duché de Mantoue lui vaudrait l’hostilité de cette puissance et l’obligerait à prendre