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LE TITIEN
ET LA
FORMATION DE L’ÉCOLE VENITIENNE


I


Pas plus à Venise qu’à Florence ou à Milan, l’essor de l’art ne correspond à l’apogée de la vitalité ou de la richesse nationale. Depuis la prise de Constantinople, la puissance de la République vénitienne allait déclinant d’année en année ; les Turcs lui avaient déjà enlevé les plus opulentes de ses colonies de la Méditerranée, lorsqu’elle perdit ce monopole du commerce des Indes qui avait si longtemps fait la principale source de sa prospérité. Sa suprématie politique ou commerciale compromise, la cité des doges ajouta du moins, par la culture des arts, un nouveau fleuron à sa couronne, tandis que les trésors accumulés par ses rivaux les Portugais à Lisbonne ou à Oporto ne profitèrent en rien à la cause de Tari, de la littérature, de la science, de la civilisation. Ce fut, en effet, au moment précis où Venise vit son étoile pâlir sur les mers que se leva, sur ses églises et ses palais, l’aurore d’un art nouveau.

Pour saisira son point de départ l’évolution de l’École vénitienne, il nous faut remonter au dernier tiers du XVe siècle, époque à laquelle, que l’on envisage soit l’architecture, soit la sculpture, soit la peinture, on ne découvre qu’un mélange d’éléments