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jésuites, à l’en croire, font peu de cas de l’État, mettant au-dessus des lois civiles des pays qu’ils habitent l’autorité de l’Église : voilà, en somme, le grief le plus sérieux que relève contre eux leur accusateur. Il leur reproche encore d’être des casuistes, et de réduire autant que possible le nombre des péchés mortels : mince reproche, comme l’on voit, mais qui nous toucherait davantage s’il ne provenait pas d’un jésuite tout nouvellement défroqué.

Les articles sur la Pologne sont au contraire excellens, pleins de verve et pleins de sagesse ; et l’on comprend qu’ils aient soulevé en Allemagne une très vive émotion. L’auteur, manifestement, est un Polonais ; mais manifestement aussi il est sincère en déclarant non point qu’il aime, mais qu’il préfère l’Allemagne : il la préfère à la Russie, qui, comme l’on sait, convoite la partie prussienne de la Pologne et n’épargne rien pour la détacher de la Prusse. L’auteur anonyme insiste longuement sur cette propagande slavophile : il la montre s’étendant au-delà même de la Posnanie, jusque dans la haute Silésie, qui a cessé d’être polonaise depuis Boleslas Bouche-Torte, et qui est en train de le redevenir. Tout cela, parce que le gouvernement prussien refuse d’accorder aux Polonais, non point des privilèges, mais les droits qu’il accorde au reste de ses sujets.

La haine de la Russie, c’est le sentiment qui dominait tous les autres dans le cœur de Wilmowski ; c’est lui encore qui inspire ce rédacteur anonyme des Preussische Jahrbücher ; et l’on peut dire que c’est lui encore qui inspire tous les autres rédacteurs de cette revue et de toutes les autres revues allemandes. Je n’ai pas lu un seul article politique où il ne fût pas au moins fait mention de l’ogre russe. Il faut que l’Allemagne ait bien peur de la Russie pour la haïr à ce point ! Et comme l’Angleterre en a peur aussi, et la hait aussi, il en résulte entre les deux nations un rapprochement tous les jours plus marqué. Dans la Deutsche Revue de février, un écrivain anglais, M. Spencer Walpole, publie précisément un article sur la nécessité d’une entente complète entre l’Angleterre et l’Allemagne. M. Walpole voudrait que l’Europe entière se réunît pour assurer le maintien de la paix, sans cesse menacée, à l’en croire, par les progrès de la Russie.

J’espérais trouver encore des renseignemens intéressans dans un article de la Deutsche Rundschau : Réflexions d’un Allemand voyageant en Allemagne, par M. P.-D. Fischer. Mais M. Fischer ne parle en somme que des diverses façons dont on peut voyager ; il s’étend beaucoup sur les avantages du voyage en bicyclette, et constate, en terminant, que la coutume des voyages en ballon est encore trop peu répandue pour qu’il y ait lieu de la commenter.


T. DE WYZEWA.