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L’UNION DES ÉGLISES


ET L’ÉGLISE ORTHODOXE

Le solennel Congrès Eucharistique tenu à Jérusalem au mois de mai dernier sous la présidence de S. Ém. le cardinal Langénieux, archevêque de Reims, légat du Saint-Siège, a soulevé de nouveau, en Occident du moins, la question de l’Union des Églises. Par Union des Églises, on entend, en Occident, l’union dans le dogme et dans la hiérarchie des deux Églises chrétiennes d’Orient et d’Occident[1], séparées par le schisme de Photius et de Cérularius. Unum ovile, unus pastor, telle est la formule de l’Union.

Dans l’histoire de ses rapports avec l’Orient, l’Église catholique affecte de distinguer deux périodes : l’une, antérieure au schisme de Photius, pendant laquelle les deux Églises ont vécu unies sous le même chef ; l’autre, postérieure au schisme qui, en méconnaissant la suprématie du Pape, avait séparé l’Orient de l’Occident et créé deux Églises distinctes. Détruire le schisme, c’est donc faire l’Union ; et ainsi, dans l’Union, la papauté ne voit qu’un retour légitime à la condition primitive des Églises. C’est là une erreur singulière, qui a égaré pendant des siècles la politique du Saint-Siège en Orient. Si, par l’Union, Rome songeait seulement à rétablir entre elle et l’Église d’Orient les relations qui existaient avant le schisme, il faut reconnaître que ce serait là pour elle un résultat assez vain, car on ne voit guère dans l’histoire des rapports de l’Orient et de l’Occident qu’il y ait jamais eu accord entre les deux Églises, même avant Photius, mais plutôt antagonisme profond et déclaré, antagonisme éternel de deux races qui se disputent le gouvernement du monde, antagonisme dont le schisme de Photius n’est qu’un épisode et le filioque une formule claire et définitive.

Ce schisme même, c’est Rome qui le voulut. La papauté avait

  1. Nous appellerons aussi l’Église d’Orient Église orthodoxe, et l’Église d’Occident Église catholique.