Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/150

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vérité et de la rare aventure où, naïvement et sans malice aucune, je m’étais embesogné, si différente de ce que cet homme s’était imaginé, n’ayant fait rien autre que secourir au dépourvu une femme qui s’était jetée à moi pour fuir la mort et la remettre, sur sa requête, au couvent de sa mère. La chose vérifiée et reconnue patente fut jugée satisfaisante et la plainte sans objet. On poursuivit l’entrée en religion des deux autres. Je sortis de ma retraite, réglai mes affaires et visitai fréquemment ma nonne, sa mère et d’autres dames du lieu, qui, par reconnaissance, me régalèrent à qui mieux mieux.



XIV



Je me mis en quête d’un emploi. Madame doña Maria de Ulloa, sensible à mon service, m’obtint du président et de l’Audience une commission pour Piscobamba et les plaines de Mizque, ayant pour objet la recherche et le châtiment de certains délits qui y avaient été commis. Flanqué d’un greffier et d’un alguazil, je partis. J’allai à Piscobamba où je poursuivis et appréhendai l’alferez Francisco de Escobar, résidant et marié audit endroit. Il était accusé d’avoir traîtreusement occis deux Indiens pour les voler et de les avoir enterrés chez lui, dans une carrière. J’y fis creuser et les retrouvai. Je poursuivis la cause dans tous ses termes jusqu’à la mettre en état. Je la fermai. Les parties citées, je rendis sentence, condamnant le coupable à mort. Il en appela. J’octroyai l’appel, et procès et accusé furent transférés à l’Audience de la Plata. Le jugement y fut confirmé et l’homme pendu.

Je passai aux plaines de Mizque et, après avoir réglé l’affaire qui m’y appelait, je revins rendre compte de ma mission et remettre les pièces concernant Mizque. Puis je restai quelques jours à la Plata.



XV



Je passai à la Paz, où je vécus tranquille pendant quelque temps. Un beau jour, libre de tout souci, je m’arrêtai à la porte du corrégidor don Antonio Barraza à converser avec un sien domestique quand, le diable soufflant la braise, il finit par me donner un démenti et me frappa de son chapeau par le visage. Je tirai la dague et il tomba mort sur la place. Tant de gens se ruèrent sur moi que je fus saisi, blessé et jeté en prison. Ma guérison et mon procès marchèrent de compagnie. La cause fut instruite, mise en état, d’autres y furent jointes, et le corrégidor me con-