À la sortie, le mestre de camp don Bartolomé de Alba, fatigué du poids de sa salade, l’ôta pour s’essuyer la sueur. Un endiablé petit gars d’une douzaine d’années, qui s’était perché sur un arbre en face la sortie, lui tira une flèche qui lui entra dans l’œil et le renversa, si grièvement blessé que, le troisième jour, il expira. L’enfant fut mis en pièces.
Entre temps, les Indiens, au nombre de plus de dix mille,
avaient réoccupé le village. Nous leur revînmes dessus si
furieusement et en fîmes un tel carnage, qu’un ruisseau de sang gros
comme une rivière coulait au bas de la place. Nous menâmes la
poursuite et tuerie jusqu’au delà du rio Dorado. Là, le
gouverneur commanda la retraite. Nous obéîmes de mauvaise grâce.
Quelques-uns avaient recueilli dans les cases de l’endroit plus
de soixante mille pesos de poudre d’or. Sur les bords du fleuve,
d’autres en trouvèrent quantité et en emplirent leurs chapeaux.
Nous apprîmes depuis que les basses eaux en laissent
ordinairement plus de trois doigts. C’est pourquoi nous demandâmes
au gouverneur licence de conquérir cette terre et comme, pour
raisons à lui, il ne l’octroya pas, plusieurs soldats, entre autres
moi, s’échappant nuitamment, prirent le large. Parvenus en terre
chrétienne, nous tirâmes chacun de notre bord. Moi, je gagnai
Cenhiago et, de là, la province de las Charcas, avec quelques
pauvres réaux que, petit à petit et bien vite, je perdis.
Je passai à la cité de la Plata et m’accommodai avec le capitaine don Francisco de Aganumen, Biscayen, très riche mineur, auprès duquel je demeurai quelques jours. Je laissai la place à cause d’un désagrément que j’eus avec un autre Biscayen ami de mon maître. Entre temps que je cherchais un emploi, je me retirai chez une dame veuve nommée doña Catalina de Chaves, la plus considérable et qualifiée de la ville, à ce qu’on disait. Grâce à un de ses domestiques avec lequel je m’étais lié par hasard, elle me permit, en attendant, de prendre gîte dans sa maison.
Or il advint que le jeudi saint, cette dame, allant aux stations, se rencontra à San Francisco avec doria Francisca Marmolejo, femme de don Pedro de Andrade, neveu du comte de Lemos. Pour des questions de préséance, elles se prirent de querelle, et doila Francisca s’outrepassa jusques à frapper de son patin doña Catalina. Là-dessus, grand émoi et attroupement du populaire. Doña Catalina rentra chez elle, où parens et connaissances