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II



Je passai quelques misères au cours du voyage, pour être novice dans le métier. Sans me connaître, mon oncle me prit en goût et me fit fête en apprenant d’où j’étais et les noms supposés de mes parens. Il ne me reconnut point, et j’eus en lui un soutien.

En arrivant à la pointe de Araya, nous y trouvâmes une flottille ennemie fortifiée à terre. Notre Armada l’en chassa. Finalement, nous gagnâmes Carthagène des Indes, où nous demeurâmes huit jours. Là, je me fis rayer du rôle d’équipage, et passai au service dudit capitaine Eguiño, mon oncle. Nous allâmes à Nombre de Dios et y restâmes neuf jours. Et comme il nous y mourait force gens, on hâta le départ.

L’argent embarqué et tout mis à point pour retourner en Espagne, je fis à mon oncle un trait de conséquence en lui prenant cinq cents pesos. Sur les dix heures de nuit, cependant qu’il dormait, je sortis et dis aux gardes que le capitaine m’envoyait à terre pour affaire. Comme ils me connaissaient, ils me laissèrent bonnement passer. Je sautai à terre, et oncques plus ils ne me virent. Une heure après, on tira le canon de partance et, les ancres levées, la flotte mit à la voile.

L’Armada partie, je m’accommodai avec le capitaine Juan de Ibarra, facteur des Caisses Royales de Panama, lequel est encore vivant. Quatre ou six jours après, nous partîmes pour Panama où il habitait. Je restai environ trois mois avec lui. Ce n’était pas un bon marché que j’avais fait là, car il était chiche et je dus dépenser tout ce que j’avais tiré de mon oncle, si bien qu’il ne m’en demeura pas quatre maravédis. Il me fallut donc prendre congé afin de chercher ailleurs mon remède. En faisant mes diligences, je découvris Juan de Urquiza, marchand de Truxillo, avec lequel je m’appointai. Je m’en trouvai à merveille. Nous demeurâmes trois mois à Panama.



III



De Panama, je partis sur une frégate avec mon maître Juan de Urquiza pour le port de Paita, où il avait une grosse cargaison. En arrivant à Manta, un si rude coup de vent nous assaillit que nous fîmes côte. Ceux qui savaient nager comme moi, mon maître et quelques autres, prirent terre ; le reste périt. Nous nous rembarquâmes audit port de Manta sur un galion du Roi, ce qui