présentement tenir compte, — continuent de professer la haine traditionnelle pour les « barbares » et les « diables étrangers », se voit néanmoins dans la nécessité de nous emprunter quelques-unes de nos inventions, ne fût-ce que pour mieux nous combattre. Tandis que l’assassinat de deux missionnaires suédois, massacrés à Sungpou, l’été dernier, d’une façon particulièrement atroce, témoigne en effet d’une haine toujours aussi vivace contre l’européanisme, chez les mandarins qui ont conseillé le crime ou l’ont laissé impuni, — on ne peut en effet considérer comme une satisfaction suffisante l’indemnité pécuniaire dont le gouvernement suédois a dû se contenter, — le commerce de la Chine avec l’étranger se développe pourtant d’année en année. En 1892, le montant total des importations et des exportations, par les différens points ouverts aux échanges internationaux, s’est élevé à plus de 1300 millions de francs, et le mouvement de la navigation étrangère a atteint plus de 7 millions de tonnes.
Le conservatisme rigoureux, qui subsiste dans les opinions des Célestes, tend à s’atténuer dans une multitude de faits, tels que le développement du goût pour les articles du dehors, l’adoption par le gouvernement de méthodes importées, les études poursuivies par les lettrés sur les sciences et les arts de l’Occident. L’empereur, qui possède à fond la langue anglaise, a maintenant deux professeurs de français attachés à sa personne ; on a fondé depuis dix ans des écoles de langues étrangères, de médecine, de télégraphie. Les Chinois d’esprit ouvert, — il y en a, — sont forcés de reconnaître que le prosélytisme catholique, dont les recrues sont aujourd’hui au nombre de 1100000, dans l’ensemble du pays, a eu pour effet indirect de détruire une foule de préjugés qui empêchaient l’exploitation des mines et l’établissement des chemins de fer.
Or les chemins de fer, avec l’armée et la marine, dont ils sont destinés, en cas de conflit extérieur, à être les précieux auxiliaires, préoccupent les principaux hommes d’État chinois, notamment les deux vice-rois les plus en vue, Tchang-Tche-Toung et Li-Hung-Tchang. Le premier, qui pratique trop exactement le principe de « la Chine aux Chinois », a voulu établir la ligne de Pékin à Han-Kéou, sur le Yangtse, sans avoir recours à un soûl produit étranger, c’est-à-dire en se servant de rails fabriqués en Chine, avec du fer chinois, tiré de mines nationales. Comme il n’y a dans la province de Hou-Pé, qu’il administre, ni fer, ni mines, ni fonderies, le chemin projeté attendra longtemps ses premiers wagons.
Au contraire, le vice-roi du Tcheli, Li-Hung-Tchang, pour construire la ligne de Tien-Sin à Kirin, a commandé ses ponts métalliques en France, ses rails en Allemagne et en Angleterre. Cette voie, commencée sur les conseils des Anglais, pour faciliter le transport des troupes chinoises, dans l’éventualité d’une action des Russes en Mandchourie et en