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des suppressions d’emplois et des réductions de traitement. Il a des députés auxquels leurs électeurs s’adressent, comme en France, pour peser sur les ministres, et un code dont on demande la révision avant même qu’il n’ait fonctionné.

Comme les États les plus civilisés, le Japon a maintenant sa dette nationale, qui atteint 1100 millions de francs ; mais, au contraire de beaucoup de grandes puissances qui nous avoisinent, son budget, de 355 millions de francs environ, voté dans la session de 1893, se solde par un excédent de recettes de 25 millions. Enfin, par un dernier trait de ressemblance le Parlement japonais se rattache à ses aînés : il n’a pas eu à expulser l’équivalent de la blouse du citoyen Thivrier, mais il s’est donné à la fin du mois dernier le luxe de séances orageuses où l’on a échangé des gros mots, et à la suite desquelles la Chambre des représentans, d’abord prorogée au 11 janvier par un décret impérial, comme une simple chambre italienne, vient, il y a quelques jours, d’être dissoute.

Le gouvernement du mikado n’est pas constitutionnel dans le sens que nous donnons chez nous à ce mot, mais seulement représentatif ; le président de la Chambre est nommé tous les quatre ans par le pouvoir exécutif. C’est ce président, M. Hoshi-Toru, contre lequel la majorité de ses collègues, faisant valoir des griefs d’ailleurs douteux, tels qu’un concours intéressé prêté par lui à des sociétés financières et une participation aux menées politiques de certains négocians, a protesté par un vote de méfiance, tout en réclamant son renvoi par une adresse à l’empereur.

Au point de vue européen et international, qui nous intéresse spécialement, il faut considérer que le président ainsi visé, le ministère du comte Ito qui le soutient, et la minorité de la Chambre japonaise actuelle, sont favorables aux rapports cordiaux avec les puissances étrangères, dont leur pays a tant profité jusqu’ici et peut se promettre beaucoup encore. Au contraire, les libéraux que dirige le comte Itagaki et les progressistes qui ont pour chef le comte Okuma, ancien ministre, appuient différens projets dirigés contre nous, et vont jusqu’à frapper de prison ou d’amende les Japonais qui serviraient d’intermédiaires aux Européens, pour des acquisitions de terrains situés en dehors des concessions. Si les élections nouvelles, qui doivent avoir lieu dans un délai de cinq mois, ne donnent pas de majorité au mikado et à ses ministres, le régime, parlementaire se trouvera, presque dès l’origine, frappé d’impuissance, et les patriotes japonais, qui rêvent de soustraire au plus tôt leur pays à l’influence de l’Occident, prouveraient au contraire que l’empire du Soleil-Levant n’est pas tout à fait mûr pour les institutions dont on l’a gratifié.

Quoique bien éloigné encore du jour où l’on votera à Pékin, l’empire du Milieu, dans lequel les classes élevées, — les seules dont il faille