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BERNADETTE DE LOURDES
MYSTERE

DERNIERE PARTIE

LA PERSÉCUTION


I.

La nuit va finir. Les montagnes sortent énormes et légères de l’obscurité pâlissante. Au-dessus de Lourdes, à mi-chemin du pic de Ger, le Turon s’avance, surplombe la vallée. Il est nu, sans un poil de broussaille à ses pentes veloutées d’herbe rase. Une forme humaine se penche accroupie au sommet. C’est le grand exilé, le rôdeur triste, celui qu’on ne nomme pas. Les coudes aux genoux, la figure dans les mains, il regarde.

En bas, dans de vagues fumées, rampent les maisons de Lourdes. Noires avec de rares lumignons vacillans cà et là, on dirait un tas de charbons éteints où des braises achèvent de mourir. Le Mauvais fronce le sourcil. L’innocence du jour qui va poindre l’exaspère. Passe un crapaud. Lent et circonspect, il se traîne dans les clartés douteuses d’avant l’aube. Ses yeux, comme deux étoiles tristes, scrutent l’horizon.

LE MAUVAIS l’interpelle.

Eh! seigneur crapaud, d’où rentres-tu si tard? Du sabbat, sans doute; tu as dansé toute la nuit comme un perdu, et te voilà peinant à regagner ton gîte...