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Il est vrai que c’est d’ordinaire pour s’absorber bien vile dans la marée montante de l’hindouisme qui, malgré son caractère compo site, est réputé orthodoxe. En général ces mouvemens religieux, très circonscrits, donnent naissance seulement à des groupes d’ascètes qui, étant voués à la pénitence et au célibat, excluent la condition première de la caste, l’hérédité. Ils se recrutent par les affiliations volontaires ou s’adjoignent des enfans empruntés à d’autres castes. Cependant, nombre de ces confréries, étant composées d’associés des deux sexes, tournent, plus ou moins en castes héréditaires, quelquefois très restreintes, tels que les Arâdis et les Bharâdis de Poona. Les Vaïragis sont autrement nombreux ; subdivisés en plusieurs sections, à l’exemple des vraies castes, ils ne forment pas encore une caste strictement héréditaire. L’évolution est plus avancée chez les Gosaïns, qui, ayant admis le mariage, constituent maintenant des castes de plein exercice. Certaines sectes, comme celle des Bishnoïs, au Penjah, fondée au XVe siècle par un Râjpout, de Bikanir, n’ont jamais eu l’aspect ni la règle d’un ordre religieux ; elles fournissent un exemple tout à fait net de gens abandonnant, sous l’empire d’une commune hérésie, leur groupe primitif, pour se former eu corporation autonome.

Les mouvemens qui se produisent ainsi dans les castes et en modifient incessamment l’assiette sont individuels ou sont collectifs. Certaines gens trouvent moyen, grâce à des protections puissantes ou à des subterfuges, à des fictions ou à la corruption, de s’introduire isolément dans des castes diverses ; le fait est fréquent surtout dans les pays frontières, d’une observance moins stricte. On a vu des hommes de toute caste créés brahmanes par le caprice d’un chef. Telle caste peu sévère, sous certaines conditions, ouvre aisément ses rangs à tout venant. Telles tribus nomades et criminelles, moyennant paiement, s’adjoignent volontiers des compagnons. C’est par masses plus ou moins compactes que se font les changemens caractéristiques.

Ainsi qu’on le peut prévoir, ils obéissent à deux courans opposés. Certaines castes ou sections se constituent en s’élevant dans l’échelle sociale ; d’autres, plus nombreuses, se résignent à une déchéance que les circonstances leur imposent. C’est dans les règles qui, d’après le système brahmanique, dominent la vie de la caste, règles de pureté, lois familiales ou croyances religieuses, qu’est le pivot autour duquel se prononcent ces mouvemens. Des populations aborigènes, peu civilisées, se brâhmanisent graduellement. Elles entrent peu à peu dans le cercle de l’hindouisme par une procédure qu’a ingénieusement mise en lumière sir A. Lyall, M. Risley, analysant à son tour cette