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matière n’est guère contestée. Elle se manifeste dans plusieurs coutumes singulières, comme chez les Ghisâdis, où le père d’un fils à marier réunit pour lui chercher un parti ses compagnons de caste, comme chez les brahmanes Kânojis de Poona, où une assemblée de la caste propose les mariages à faire dans son sein. Là où le divorce est admis, ainsi que les secondes noces, c’est avec le concours, l’approbation et sous la responsabilité de la caste, quelle que puisse être aujourd’hui la tendance des juges anglais à limiter de ce chef son pouvoir. Son rôle dans la procédure de l’adoption est donc parfaitement naturel ; il est logiquement indiqué. Et, en effet, le consentement de la caste à l’adoption est ordinairement jugé nécessaire. Non seulement elle intervient à l’occasion pour la faciliter ; mais une adoption dont elle n’a pas dûment reçu connaissance est généralement estimée nulle. A plus forte raison, faut-il son agrément pour qu’une veuve sans enfans puisse adopter. En tout ceci la caste est assimilée aux parens dont la présence est requise, en signe d’acquiescement ; et, sous ce jour, elle apparaît rigoureusement comme un prolongement de la famille ; elle en figure le grand conseil commun. C’est encore à ce titre que, au besoin, elle procède aux arrangemens nécessaires pour assurer la tutelle des orphelins ; à défaut de parens, cette tutelle est dévolue à son chef.

Elle est aussi un véritable tribunal. Ou cite des cas où elle a prononcé la peine capitale. Ils sont déjà anciens, et aujourd’hui, sous la domination anglaise, pareille chose ne serait plus possible. Mais, en théorie, sa juridiction s’étend à de véritables crimes ; le meurtre d’un brahmane, d’une femme, d’un enfant sont parmi les péchés graves dont la caste aurait le droit de connaître. En fait, son pouvoir s’exerce beaucoup moins sur des crimes ou des délits de droit commun que sur les règles particulières à la caste. Ces règles nous paraissent et bien minutieuses et bien frivoles, mais le maintien strict en importe à la caste autant qu’il préoccupe les consciences enfermées de tout temps dans ce réseau d’observances tyranniques. C’est une juridiction des mœurs et des usages. Elle veille à ce que les coutumes soient fidèlement observées ; elle punit les infractions qui s’ébruitent. Dans son domaine elle est souveraine ; les décisions favorables ou contraires des magistrats civils l’inquiètent peu.

Il serait malaisé de dresser une liste même approximative des fautes contre lesquelles s’exerce l’autorité judiciaire de la caste. Celles mêmes qui sont communes à toutes, l’inobservance de l’interdiction de certains alimens estimés impurs, de rapports avec des castes dont le contact imprime une souillure, surtout de toute