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de prêtres. On a, je pense, été trop loin en refusant aux évolutions, aux actions religieuses toute influence sur le groupement des castes ; encore est-il visible qu’une influence de cette sorte ne s’exerce plus en somme qu’assez rarement et dans une mesure assez faible.

Les diverses castes observent dans des circonstances qui relèvent de la vie religieuse, mariages, funérailles, etc., une foule de pratiques souvent très particulières ; ce sont des usages chers à ceux parmi lesquels ils sont de tradition ; ils n’engagent en rien la croyance et n’intéressent la conscience religieuse que fort indirectement. Ces usages pourraient être piquans à décrire ; l’institution de la caste n’en recevrait pas de lumière nouvelle. Tout au plus serviraient-ils, par leur originalité et par leur diversité, à faire apparaître la caste une fois de plus, telle que tant d’autres indices nous la montrent, comme un organisme assez indépendant dans son isolement, s’enveloppant de tout un réseau de menues institutions qui, dans tous les genres, contribuent à marquer et à fortifier son individualité. Toutes, sous une forme ou sous une autre, avec un cérémonial plus ou moins méticuleux, célèbrent chacune a sa façon ces rites qui par tous pays scandent la carrière humaine à ses différentes étapes. Il est cependant. une cérémonie qui n’appartient qu’à certaines castes, pour laquelle les autres ne possèdent aucun équivalent, et dont la signification religieuse primitive est certaine. Elle mérite d’être relevée ; la suite nous y ramènera en nous mettant en présence de l’enseignement brahmanique. Je veux parler de « l’initiation, » l’oupanayana du sanscrit.

La théorie distingue tous les Hindous en deux grandes catégories, coudras et dvijas. Les dvijas, c’est-à-dire « deux fois nés », comprennent tous les membres des trois hautes castes, — sur lesquelles nous allons revenir tout à l’heure, — tous ceux qui ont reçu une sorte de naissance religieuse par cette initiation dont le point essentiel est l’investiture du cordon sacré. Les trois hautes castes n’existent plus, — si elles ont jamais existé, — dans leur condition théorique ; mais on continue de rencontrer dans l’Inde une multitude de gens qui portent en bandoulière, passant sur l’épaule gauche et descendant jusque sur la hanche droite, un mince cordon formé de neuf fils de coton tressés trois par trois. Ils considèrent cet insigne comme la plus précieuse de leurs prérogatives. Il marque en effet qu’ils ont été dûment introduits dans la vie religieuse, qu’une cérémonie essentielle leur a ouvert l’accès du Véda et des saintes études, leur a donné le droit de participer aux actes du culte, a fait d’eux enfin, si je puis dire, des Hindous