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constater, c’est que partout la caste, comme telle, accepte, en ce qui touche la nourriture, une série de prescriptions ou plutôt d’interdictions auxquelles, malgré la bizarrerie qu’elles accusent souvent à nos yeux, elle attache une haute autorité, parfois une sanction très sévère. Et, qu’on le note bien, il ne s’agit pas seulement d’une casuistique un peu mince, réservée à des classes raffinées. Dans telle tribu d’aspect fort grossier et passablement primitif, qui se nourrit sans scrupule des animaux morts qu’elle rencontre à l’occasion, il suffira de l’exclusion de ces charognes, de certains animaux sauvages ou particulièrement répugnans, pour jeter les bases d’une section de caste nouvelle qui s’estimera supérieure à ses congénères et bientôt leur refusera fièrement le connubium. Voilà pour nous le genre de faits instructifs : ce sont ceux qui nous montrent la caste liée, pour ce qui touche la nourriture, à des coutumes qui sont une partie ; de sa constitution traditionnelle, un des élémens sur lesquels s’exercent, par les quels se manifestent légitimement son pouvoir et son unité.

Il n’on est pas autrement de pratiques diverses qui se rattachent au domaine si important du mariage, et qui, dans nombre de cas, s’ajoutent aux règles essentielles d’endogamie et d’exogamie. Plus que jamais il devient impossible ici d’entrer dans le monde de détails qu’exigerait la description de cérémonies et d’usages prodigieusement compliqués.

Diverses castes, je l’ai indiqué déjà, à côté des règles d’exogamie très sévères dans la ligne paternelle, manifestent une tendance singulière, favorable aux unions qui associent le fiancé à une parente relativement rapprochée dans la ligne maternelle. Un cas plus rare est celui où la polygamie est punie de l’exclusion. La coutume du lévirat autorisait, en l’absence d’enfant mâle, le frère du mari ou, à son défaut, un parent très proche, à se substituer à lui après sa mort, ou même de son vivant, auprès de sa femme pour lui donner un héritier. Elle est très curieuse par sa large diffusion, elle est très caractéristique pour le prix extrême qu’attachait l’antique constitution familiale à la continuité de mâle en mâle du culte de la famille. Très ancienne dans l’Inde, elle y survit atténuée, et détournée de sa signification première, là où est pratiqué le mariage de la veuve avec le frère cadet de son mari défunt. Beaucoup de castes la connaissent sous cette forme. Mais ce qui est parmi elles beaucoup plus ordinaire, c’est l’interdiction absolue du second mariage pour les veuves.

On sait combien l’hindouisme est rigoureux à l’égard des veuves. On se souvient de la peine qu’a eue l’administration, anglaise à supprimer l’usage barbare qui condamnait la femme