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compréhensive que celle où se résument parmi nous les restes survivans des réserves exogamiques. Le mariage est interdit entre fiancés qui sont dans la relation que désigne en sanscrit le mot sapinda. Cette parenté s’étend à six degrés quand l’ancêtre commun est un homme ; si c’est une femme, les opinions diffèrent ; la prohibition comprend, suivant les uns, six degrés, suivant d’autres, quatre seulement. Les commentateurs ont calculé que, tout compte fait, cette règle exclut le mariage pour 2121 parentés possibles. Il y a dans les usages, dans les variantes, les incertitudes, les exceptions qu’ils supportent, un beau nid à distinctions et à discussions scolastiques ; on pense s’il a tenté les spécialistes hindous ! Il n’est pas fait pour nous séduire ; il n’intéresse qu’indirectement la question qui nous préoccupe.

Du point de vue de la caste, le fait général, curieux, qu’il importe de garder en mémoire, c’est la règle double que nous avons énoncée d’abord ; l’interdiction de se marier hors de la caste, l’obligation de se marier hors du gotra. La parenté qui empoche le mariage est surtout la parenté agnatique, la parente par les hommes. Les effets de la parenté par les femmes sont toujours beaucoup moins prohibitifs. Dans certains cas, les empêchemens qu’elle fonde sont étroitement limités. On cite des castes où une certaine parenté, encore qu’éloignée, par les femmes, est considérée comme désirable, sinon nécessaire, entre les fiancés.


III

Une théorie récente, soutenue par un juge fort délié et fort expert, a prétendu faire de la communauté des occupations le fondement même et le principe de la caste. C’est peut-être l’idée qui surnage dans les esprits qui se contentent sur le sujet d’une certaine moyenne de notions approximatives. Il y aurait cependant une singulière exagération à se représenter la société hindoue, enfermée, d’après l’occupation, de chacun, dans un échiquier de cases immuables, infranchissables. Beaucoup de castes sont, il est vrai, désignées par le nom d’une profession que généralement elles exercent : potiers, forgerons, pêcheurs, jardiniers, etc. C’est le cas de se souvenir que les noms de métiers qui nous sont présentés comme noms de castes enveloppent en réalité une aire plus large ; et que la vraie caste, caractérisée et limitée par les règles du mariage, est beaucoup plus restreinte. C’est ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, que les Banyas ou marchands, au Penjab, se résolvent en sections, comme les Aggarwals, les Oswals, etc., à noms géographiques, qui, étant endogames, forment bien autant de castes distinctes. Une caste professionnelle