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Les savans archéologues croient, en effet, que devant la Porta Mora il y avait Prætorium et Champ-de-Mars. Je me figure l’imposant aspect du Préfet des Gaules dans sa toge blanche et rouge, siégeant devant ce monument triomphal et faisant comparaître les nations…

Vu des collines, l’admirable panorama de Trêves, de la Moselle, n’est pas sans quelque rapport avec celui de Wurtzbourg et du Mein. Mais ici, la vue est tout à la fois plus gaie et plus sévère ; plus gaie, parce que la végétation y est plus abondante, la vigne plus verte, ce semble, plus feuillue ; — plus sévère, parce que les rocs rouges qui bordent le fleuve se dressent, souvent taillés à pic et dénudés.

La cathédrale de Trêves, très antique, — peut-être la première en date de l’empire germanique, — par les retouches nombreuses qu’elle a subies, semble mêlée de tous les siècles. Notre-Dame, à la fois ronde et carrée. Derrière l’autel, deux escaliers de marbre et colonnade avec grille par où le clergé entre, sort, circule, tan tôt caché, tantôt apparaissant dans la majesté, la pompe magnifique des habits sacerdotaux. Ajoutez à cela les sons voilés de l’orgue, les fumées ondoyantes de l’encens… le culte des anciens dieux a repris ici ses mystères.


25, lundi. — Allemagne, adieu !… Me voici en Luxembourg, notre ancien département Des forêts. La ville capitale, malgré sa position pittoresque, semble d’abord une ennuyeuse citadelle. disons-le bien bas, car les habitans en sont épris. « Un petit Paris, en comparaison de Trêves. »

Aujourd’hui, pays neutre partagé entre la Belgique et la Hollande par le traité de Londres (1839), le Luxembourg est propriété personnelle du Roi, mais non de l’Etat. Ce qui me touche, c’est qu’au moment même où il consomme sa séparation d’avec la France, il inclinerait à quitter les formes de l’enseignement allemand, pour retourner à nos formes françaises. Si cela est vrai, voilà, sans bataille, une conquête des plus glorieuses et des plus enviables.

Le Luxembourgeois, si fier de sa capitale, semble pourtant in différent à sa réelle beauté : cet entassement piranésique, ce mur immense jeté sur ce pont qui n’est autre chose que la montagne elle-même, et qui porte la moitié de la ville. A cent pieds au-dessous, l’autre moitié, la ville basse, avec son jardin fleuri, son es calier de marbre qui, du point où je suis, descend et monte on ne sait où ; avec son ruisseau torrent, l’Alzette, qui, à la longue,