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anglais du type Royal-Sovereign. La motion de lord G. Hamilton a été finalement repoussée par 36 voix, chiffre ordinaire de la majorité politique de M. Gladstone, qui avait posé à la Chambre la question de confiance. Elle a été repoussée à Westminster, mais elle a obtenu gain de cause dans le pays, dans l’opinion publique. Par conséquent on doit s’attendre à ce que d’une façon ou d’une autre, soit par le vote d’une somme fixe à répartir sur plusieurs exercices, soit par la présentation d’un programme renforcé de constructions navales, il y sera donné satisfaction dans le courant de 1894.

Ce débat, où sir William Harcourt s’appliquait à amoindrir nos forces maritimes, tandis que M. Balfour et les chefs de l’opposition se faisaient un devoir de les exagérer, nous amène à nous demander ce qu’il y a de vrai dans ces déclarations intéressées de nos détracteurs ou de nos panégyristes. Que dirons-nous de nous-mêmes ? Nous reconnaîtrons tout d’abord que le gouvernement français, et en particulier M. Cavaignac, alors ministre de la marine, qui paya très énergiquement de sa personne en cette circonstance, n’ont pas eu tort d’arracher au Parlement, il y a deux ans, le vote d’une réfection de notre flotte. Notre programme n’a rien d’ambitieux ; il ne nous donnera pas plus de cuirassés et de croiseurs qu’il n’en figure actuellement sur la liste de la marine. Seulement, en 1900, nous aurons une flotte composée de navires modernes, remplissant les conditions qu’on exige des bâtimens de combat, à savoir : protection et vitesse ; tandis que nous possédons encore aujourd’hui un tas de vieilles coques en bois qui ne sauraient supporter le choc d’un projectile sans être coulées à fond presque du premier coup.

Cette dépense était d’autant plus utile, non pas pour égaler la flotte anglaise, — nous n’aurons jamais cette prétention, pas plus que l’armée anglaise n’a l’ambition d’égaler la nôtre, — mais pour nôtre pas inférieurs à nos autres voisins du Nord et du Sud, que l’Italie a construit, durant ces dernières années, des bâtimens puissans et splendides, auxquels il ne manque peut-être qu’un nombre suffisant d’hommes de mer expérimentés ; et que l’Allemagne, poussée par l’empereur Guillaume, dont la prédilection pour la marine est bien connue, sera bientôt mise en demeure de voter des crédits qui en assurent le développement. Elle mettra du reste en ligne, dans un avenir très prochain, un nouveau groupe de quatre cuirassés de 10 000 tonneaux, auquel elle travaille activement.

L’ardeur de nos rivaux à nous devancer nous oblige à de nouveaux sacrifices. Nous avons, pendant quelque temps, commis la faute de ne pas nous préoccuper assez des projets de l’empire allemand, même quand ils ont été connus et approuvés par le Reichstag, et nous nous sommes ensuite trouvés aux prises avec l’impossibilité de regagner rapidement le temps perdu. Quant à notre marine, objet de critiques