Au contraire la victoire, sur le radicalisme, du républicanisme modéré, qui conserve un nombre de voix égal, à peu de chose près, à celui qu’il possédait précédemment, constitue un symptôme rassurant de l’opinion actuelle des électeurs du second degré.
Ce dont on a lieu de s’attrister, c’est l’abaissement du niveau de cette première Chambre du Parlement, qui tend à ne plus être haute que de nom. Je ne sais dans quelle pièce du Palais-Royal un beau-père s’exprimait ainsi : « Mon gendre n’est pas un aigle… mais qui me dit que ma fille eût été heureuse avec un aigle ? » Une Chambre des députés, dont la mission est surtout de refléter l’état d’esprit des masses populaires, n’a pas absolument besoin, pour être heureuse, et pour que nous soyons heureux par elle, de contenir un très grand nombre d’ « aigles ». Nous avons ici même, cet été, pris la défense de l’honnête médiocrité qui signale une bonne part d’entre eux, et relevé, sur les bancs du Corps législatif, les noms d’un assez grand nombre de notabilités de genres divers.
Il semble que le prestige et, à défaut de prestige, la valeur personnelle de ses membres serait plus nécessaire à la première assemblée politique. Personne ne demande que le Sénat soit une annexe de l’Institut, ni que le Luxembourg devienne l’antichambre du Panthéon, mais il est impossible de n’être pas saisi d’une certaine mélancolie en lisant la liste des sénateurs, anciens et nouveaux, élus ou réélus il y a quelques jours. Le groupe des illustrations ou des personnalités de marque, de la gauche ou de la droite, va, comme la peau de chagrin du roman, se rétrécissant davantage à chaque renouvellement. Il suffira de citer cette fois les noms du maréchal Canrobert, de MM. Waddington, Bocher et Léon Renault, qui quittent ou perdent leurs sièges, pour remarquer que la nouvelle fournée ne nous donne pas leur équivalent.
Les personnes avisées, qui ont enlevé aux sénateurs la nomination de leurs 75 collègues inamovibles, lorsque cette cooptation avait précisément donné les meilleurs résultats pendant les années qu’elle a fonctionné, ne se sont pas aperçues qu’en fermant l’accès de la vie publique à une certaine élite de citoyens que le hasard n’avait pas dotés du groupe d’électeurs dévoués, indispensable pour y entrer, elles découronnaient le Sénat lui-même.
Aussi ce corps respectable devient-il de plus en plus l’asile des députés fatigués, ou la récompense des vertus crépusculaires du vétéran de conseil général. De malicieux détracteurs de nos pères conscrits font remarquer qu’ils ne travaillent pas beaucoup, que, dans la session extraordinaire de 1893, ils n’ont siégé que dix-neuf fois, et ont tenu plus d’une fois des séances de dix minutes, de sorte que cette session ne représente pas, en bloc, plus de trente-neuf heures de travail parlementaire. Mais c’est par l’autorité de ses décisions, plus que