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Il est vraisemblable que beaucoup d’efforts, faits dans les intentions les plus nobles, sont perdus. Pour la province, cela ressort clairement de la comparaison souvent faite des ressources et des besoins de l’administration hospitalière. Il y a des hospices constamment vides à moitié, et d’autres qui refusent toujours du monde. Il y a de terribles abus, dans le matériel et le personnel. Comme il s’agit souvent de fondations privées, ou que les générosités du donateur sont restreintes à des localités déterminées et imposent des règles parfois bizarres, on ne peut, ni remédier à certains coulages, ni décréter une centralisation, à quelques égards désirable, des fonds de la charité nationale.

Moins encore l’État peut-il songer à s’immiscer dans l’existence intérieure des œuvres philanthropiques, dues à l’initiative individuelle. C’est à ces œuvres elles-mêmes qu’il appartient de se concerter, de se surveiller, de s’appuyer les unes les autres. Un publiciste de talent, qui est en même temps un homme de bien, M. Léon Lefébure, s’est consacré à cette tâche de groupement. Il a fondé aussi une œuvre nouvelle, qui doit être l’œuvre de l’avenir : l’assistance par le travail ; tentative qui mérite d’être particulièrement encouragée. Les philosophes du siècle dernier reprochaient aux couvens d’entretenir la fainéantise autour d’eux par leurs aumônes régulières ; les subventions gratuites du socialisme d’aujourd’hui auraient un résultat bien plus certain en ce genre. On peut dire que l’assistance mal faite encourage la mendicité et que l’assistance bien faite la supprime ou plutôt la réduit.

Car il restera toujours des invalides, des vieillards et des malades : c’est de ces derniers que la charité officielle s’occupe principalement à Paris. C’est à eux que vont la plus grande partie de ses ressources. Au sujet du compte des hôpitaux on a produit, au conseil municipal, des documens qui montrent que des gaspillages coupables, signalés par les contrôleurs de l’administration eux-mêmes, sont commis dans ces établissemens.

Les fonctionnaires pris à partie n’ont fourni que des explications insuffisantes ; ils ont fait valoir que l’accroissement des dépenses de l’Assistance publique provenait de « la crise agricole, qui a jeté sur le pavé de la capitale un grand nombre d’individus sans argent et sans profession » ; que les lois en vigueur favorisaient l’exode des malades de province vers les hospices parisiens. Ils ont rejeté les fautes sur les élèves externes qui tiennent mal les cahiers de visite, sur les médecins qui suralimentent les malades, etc.

Il n’en demeure pas moins que le nombre des employés de nos hôpitaux s’est accru dans des proportions excessives, qu’il s’élève aujourd’hui à 30 et 40 pour 100 du nombre des malades ; que, dans certains services, le personnel hospitalier est égal ou supérieur au chiffre des individus qu’il doit soigner. La consommation des denrées alimentaires a progressé aussi d’une façon tout à fait anormale. On a dépensé,