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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 Janvier.


L’année 1893, commencée en plein procès du Panama, clôturée par le criminel attentat du Palais-Bourbon, dont l’auteur vient, avec justice, d’être condamné à mort, aura néanmoins été pour la France une année heureuse. Deux faits dominent ces douze mois : à l’extérieur la confirmation solennelle de l’alliance franco-russe ; à l’intérieur la réconciliation des hommes d’ordre sous le drapeau d’une république modérée, définitivement acceptée par l’ancienne opposition conservatrice. C’est la paix au dehors, c’est la paix au dedans. Ces deux événemens, devant lesquels tout disparaît, ont fortifié notre pays vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis de l’Europe ; les vrais patriotes doivent donc s’en réjouir.

Les vieux cadres des partis, qui nous affaiblissaient en nous divisant, sont définitivement brisés. Tandis que chacun se demandait qui tendrait le premier la main à l’autre, tandis que les gens de droite hésitaient autant à entrer que les gens de gauche hésitaient à ouvrir la porte, la logique des choses s’est chargée d’aplanir ces difficultés. Il n’y a eu, ni de « vile réaction » à gauche, ni de « sinistre trahison » à droite, comme voudraient le faire croire les prôneurs démodés de la « guerre à outrance », dont la foule raisonnable se détourne aujourd’hui. Aucun de ceux qui forment les élémens de la nouvelle majorité gouvernementale n’a à rougir des luttes passées, pas plus que de l’union présente.

La République n’ayant pas la prétention de se réclamer du droit divin, les partisans des régimes antérieurs, dont on ne doit pas plus oublier les jours de gloire que les jours d’erreur, avaient le droit le plus évident, dans un pays de libre discussion, de travailler au succès de la monarchie ou de l’empire qui leur étaient chers. Pendant vingt-trois ans ils l’ont fait avec courage, et beaucoup d’entre eux avec abnégation. Ils