Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



REVUE MUSICALE


__________


THÉÂTRE DE L’OPERA : Gwendoline, opéra en 3 actes ; paroles de M. Catulle Mendès, musique de M. Emmanuel Chabrier. — Mme  Rose Caron dans Faust.


De Gwendoline, jouée successivement à Bruxelles, à Carlsruhe, à Munich et à Lyon, le bruit était venu jusqu’ici. Il n’y a pas à s’en étonner : cette musique s’entendrait d’encore plus loin. Sur la foi de la renommée et d’après une lecture sommaire, nous espérions beaucoup en Gwendoline ; c’était un peu trop espérer.

« Gwendoline, l’éternelle histoire de l’homme puissant, héroïque, brutal, — Samson, Hercule, Antoine, — vaincu par la femme-enfant, ingénue et perverse séductrice, — Dalila, Omphale, Cléopâtre ; — de la femme prise à son tour dans le piège d’amour qu’elle a tendu ; et des Amans triomphant de toutes les haines, de toutes les fatalités, par l’Hymen, ou mieux encore, — Roméo et Juliette, — par la Mort, qui est l’hymen plus définitif, le seul qui ne soit point sujet aux trahisons ni aux divorces. » — Tel est, suivant M. Catulle Mendès lui-même, le sujet de Gwendoline ; le poème d’après le poète. Il serait superflu d’en signaler, car les majuscules que notre citation a respectées y suffiront, le sens profond, la portée générale et les intentions hautement symboliques. Le vieux symbole a seulement été adapté par M. Catulle Mendès, wagnérien, au milieu wagnérien par excellence. Les choses se passent, comme elles le devaient, d’abord dans des temps très anciens, et puis dans la région la plus favorable au drame lyrique, laquelle comprend, chacun le sait, la Grande-Bretagne, l’Allemagne du Nord, ainsi que le Danemark et la Péninsule Scandinave. Ce poème, qui ne manque d’ailleurs ni de poésie, ni de simplicité, ni de grandeur, arrive chez nous à son heure. Il y a dix ans, peut-être eût-il ennuyé ; il nous trouve préparés aujourd’hui : il flatte la passion ou l’engouement, que nous affichons, à moins que nous ne l’affections, pour les sujets barbares et polaires, anglo-saxons ou germaniques, pour les opéras où les héros sont vêtus de peaux de bêtes, où de grands gaillards aux cheveux roux, aux bras nus cerclés de fer, célèbrent en des transports farouches l’hy-