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REVUE LITTERAIRE

LITTERATURE ET DEGENERESCENCE[1]

Entre plusieurs manières qu’il y a d’obscurcir les questions de littérature, celle qu’on peut citer d’abord comme étant en possession d’y accumuler le plus de nuages, c’est l’introduction dans la critique littéraire des dernières modes médicales. Le livre que M. Max Nordau, écrivain allemand et docteur de la Faculté de médecine de Paris, a publié sous ce titre : Dégénérescence, — et qui vient d’être très habilement traduit par M. Auguste Dietrich, — en est un frappant exemple.

Depuis longtemps, M. Nordau se montre préoccupé du malaise dont souffre l’esprit moderne. Dans son volume : les Mensonges conventionnels de notre civilisation, paru à Leipsig en 1883, il assignait pour cause à ce malaise le désaccord qu’il y aurait entre le genre de vie que nous continuons de mener et la conception scientifique du monde qui s’impose aujourd’hui à tout homme instruit. Il utilise cette fois la théorie de la « dégénérescence » introduite dans la médecine par les aliénistes français, transportée par Lombroso dans les études de criminalité, et que lui-même, à son tour, il applique à la littérature. Il étudie à la lumière de l’expérience clinique les tendances artistiques et littéraires les plus récemment parues en Europe. Elles témoignent à ses yeux de troubles cérébraux, bien connus des aliénistes, décrits et classés par eux. Il en conclut que nous assistons au phénomène d’une sorte de « crépuscule

  1. Max Nordau, Dégénérescence, traduit par M. Aug. Dietrich, 1 vol. in-8o, Alcan