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La raison était plausible et se rattachait à l’une des questions les plus graves que comporte notre avenir commercial. Il a suffi que ces tarifs aient été l’objet d’une plainte de la part des agriculteurs pour que M. le ministre des travaux publics ait manifesté l’intention de les abandonner ; mais nous espérons qu’en étudiant la situation de plus près, il modifiera sa première appréciation.


IV

L’agriculture est donc omnipotente, et la crise qu’elle traverse lui donne le désir de tout sacrifier pour essayer d’assurer sa prépondérance. Le consommateur, l’industriel, le marin et le commerçant sont, d’après elle, ses ennemis, et le moment viendra bientôt où elle transformera ses caprices en lois et s’entourera de ruines.

C’est là une tentation que nous ne pouvons entrevoir d’un cœur léger, et il serait à souhaiter que la ligue agricole qui nous gouverne revînt sans plus tarder à une plus saine appréciation des choses. La culture du sol a cessé d’être une opération d’une nature spéciale ; elle a maintenant un caractère industriel bien déterminé. Il faut donc qu’elle se plie aux exigences de cette transformation, qu’elle fasse ce qu’ont fait toutes les industries, qu’elle se décide à réduire ses frais généraux, à améliorer son exploitation, accroître son rendement et diminuer son prix de revient. La solution du problème agricole n’est pas dans la douane ; elle est dans la science. C’est M. Paul Deschanel, un protectionniste, qui l’a dit, et il nous permettra d’ajouter que cette solution si désirable réside également dans l’amélioration des voies de communication et des tarifs de transports, dans l’organisation de moyens pratiques pour fournir à l’agriculture l’argent nécessaire à l’application des méthodes nouvelles, dans la facile mobilisation de son capital terrien. Sinon, sa situation s’aggravera de plus en plus et la disparition complète du commerce, de tout ce qui peut porter ombrage au cultivateur, ne lui serait d’aucun secours. Nous ne sommes plus au temps des physiocrates, ni au temps où la production générale du blé dans le monde n’atteignait pas la moitié de ce qu’elle représente aujourd’hui.

En France, dans le Midi, les blés récoltés, mis en meules, étaient foulés par les chevaux quand les autres travaux de la ferme le permettaient, et les foulaisons se poursuivaient pendant de longs mois, même pour les plus diligens. Dans le Nord, les blés récoltés étaient mis en grenier et battus au fléau pendant les jours d’hiver où les travaux des champs étaient abandonnés. A l’étranger, il était procédé de la même manière, et, les blés battus, on les