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navire en droiture et, au cours du voyage, quelles que soient les circonstances qui se produiront, quels que soient les avantages qu’il puisse réaliser ou les pertes qu’il puisse éviter en modifiant ses décisions premières, il n’aura plus à compter que sur le marché français.

La surtaxe d’entrepôt, telle qu’elle est actuellement perçue, est imposée aux marchandises importées, non des lieux d’origine, mais des entrepôts d’Europe. Elle a pour objet de favoriser notre marine marchande, en lui réservant les longs voyages, plus rémunérateurs pour elle, et d’obliger notre commerce à ne pas rechercher l’aliment de ses opérations dans des conditions plus faciles peut-être, mais qui ne favorisent pas les intérêts généraux comme peut le faire la recherche des denrées dans les lieux de production. Le législateur n’a pas voulu que notre commerce maritime se traînât à la remorque de celui d’autres nations plus entreprenantes ; il a voulu que le pavillon français lut déployé dans toutes les mers, que nos négocians étendissent au loin leurs relations pour se procurer les denrées dont ils ont le débouché dans les lieux mêmes où elles sont produites. Ce sont là des dispositions inspirées par un patriotisme éclairé.

En ce qui concerne le régime de l’entrepôt, on demande notamment, l’application d’un droit progressif, variant d’après la durée du dépôt de la marchandise étrangère en magasin. C’est la méconnaissance d’un principe de droit public absolu. La marchandise placée sous le régime de l’entrepôt est considérée comme encore déposée sur le territoire étranger ; elle ne saurait être soumise à aucune taxe, puisqu’elle ne jouit d’aucun avantage autre que celui d’un séjour plus ou moins prolongé dont elle acquitte les frais au profit des intérêts nationaux. La moindre taxe aurait d’ailleurs pour effet de supprimer l’entrepôt, car ce qui fait rechercher la marchandise placée dans ces conditions, c’est précisément qu’elle est exempte de tous droits.

Pourquoi cette suppression ? Au profit de qui ? Nous le cherchons en vain ; mais nous savons bien le préjudice qui en résulterait pour notre commerce maritime déjà si durement éprouvé, quelles graves conséquences pourrait avoir, à un moment donné, une mesure aussi déplorable, en bouleversant les conditions dans lesquelles est aujourd’hui assuré l’approvisionnement du pays.

Si l’on considère les conséquences que pourrait entraîner, pour notre commerce maritime, l’application simultanée des dispositions que nous venons de décrire, on reste frappé de leur gravité. Notre commerce paralysé dans son initiative, dans la libre direction de ses aspirations, devra restreindre ses entreprises