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discutée en 1885, conservent toute leur force ; et l’honorable M. Viger lui-même ne pourra manquer de s’associer à ces réflexions si sincères de son prédécesseur, et de repousser le présent qu’on lui offre. « Le droit variable, disait M. Develle, c’est un système ingénieux, séduisant ; en théorie, c’est presque la perfection, mais l’application en est difficile, et vous ne devez pas oublier que c’est le gouvernement qui est chargé d’en assurer le fonctionnement.

« En effet, si votre loi était votée, dès demain je serais dans l’obligation de prendre un règlement d’administration publique, d’organiser en France 200 marchés, d’assurer la surveillance de ces marchés et le contrôle exact des cours, de prévenir et de déjouer les manœuvres qui pourraient fausser ces cours, surtout lorsqu’ils seraient autour des prix limites.

« Voilà quelle mission me serait imposée, et, si quelque retard se produisait, si quelque difficulté se rencontrait, il serait impossible de faire évaluer dans le délai de trois mois, d’une façon exacte et sincère, le cours moyen du blé en France ; et alors ce serait par mon fait, par la faute involontaire du ministre de l’agriculture, que des spéculations pourraient être encouragées, et que des milliers de citoyens seraient conduits à la ruine !

« Il n’est personne parmi vous, Messieurs, qui accepterait une pareille responsabilité. Votre loi doit être précédée de mesures préparatoires. Ces mesures, je crois, en effet, qu’il est bon de les prendre. J’ai constaté, quant à moi, à la suite du projet que vous aviez déposé et qui m’a amené à un examen sérieux de l’état des choses, que nous ne pouvons pas déterminer en France d’une façon suffisamment exacte le prix de vente des blés. Même à Paris, il y a des écarts qui varient de 10 à 50 centimes entre les évaluations de la préfecture de police et le Bulletin des Halles.

« Dans un grand nombre de villes, dans les bourgs de province, nous n’avons aucun moyen de contrôle. Nos mœurs sont quelque peu changées. Les cultivateurs ne vont plus au marché, ils n’apportent plus leurs grains sous la halle, c’est le plus souvent à l’auberge, au café, qu’ils se rencontrent et ils ont dans leur poche de petits sacs d’échantillons avec lesquels ils peuvent traiter leurs affaires.

« Voilà dans quelles conditions, grâce au zèle des employés subalternes, nous pouvons réunir des indications qui ne s’éloignent pas trop de la vérité, mais cependant ne sont pas suffisamment rigoureuses. Cet état de choses doit être modifié…

« En tout cas, je ne puis pas faire proposer à la Chambre de faire ce qu’a fait le parlement anglais : en 1883, en face d’une situation analogue, il a décidé que tous les commissionnaires, les marchands, les malteurs, les brasseurs seraient obligés de déclarer à un agent